Ce qui saute d’abord aux yeux, ce sont ces couleurs vives : rouge betterave, vert concombre, jaune maïs. Puis sautent au nez des senteurs délicates : la tomate, l’huile d’olive, la coriandre. Le goût qui finit par saisir les papilles : frais et doux, incisif et gourmand, surprenant et rassurant. Une soupe froide de Merci Maman, ou un voyage des sens contenu dans une petite bouteille en verre.
Une bouteille qui contient également une multitude d’histoires. D’abord une histoire familiale. Celle de Diane Montoriol, qui, à 40 printemps, a décidé de mettre en pot ses étés de petite fille. « Quand j’étais enfant, je passais toutes mes vacances chez ma grand-mère dans le sud de la France, près de Cannes. Je détestais les légumes, alors, pour m’en faire manger, elle allait en cueillir dans son potager et me les servait en soupe froide. J’avais l’impression d’une glace, je dévorais ça comme un bonbon. »
Les années passent et, en 2016, l’envie de se replonger dans les saveurs de son enfance naissent au même moment que sa grand-mère s’éteint. « Je préparais des soupes, comme ça, pour le plaisir. Et puis les copains ont commencé à devenir accros, passant le pas de la porte sans même m’embrasser, allant directement au frigo pour se servir un bol. À ce moment-là, j’étais loin de penser à transformer ce plaisir en activité professionnelle. »
Car l’histoire de Merci Maman est aussi celle d’une reconversion. Dans son appartement lumineux de West Hollywood, la jeune chef d’entreprise sirote un thé matcha, vêtue d’une salopette bleue, agrémentée d’un foulard à pois du même camaïeu, un maquillage léger sur le visage, et les cheveux négligemment relevés en queue de cheval. Un style chic and chill, reflet parfait de la double nationalité franco-américaine de cette Parisienne d’allure et de naissance. Fille d’un PDG d’entreprise, et d’une mère diplômée des Beaux Arts, Diane Montoriol décroche son bac S à 17 ans, intègre une classe préparatoire aux concours d’écoles de commerce à Janson de Sailly, et poursuit finalement ses études de finance à l’université de Durham en Angleterre, après être tombée amoureuse lors d’un stage d’été.
À 22 ans, son diplôme en poche, elle rejoint le groupe Deloitte, à Londres, en tant que consultante. « Depuis que j’avais fêté mes 21 ans à New York, je n’avais plus qu’une idée en tête : venir vivre ici. C’était tout ce dont j’avais rêvé enfant. » Les passerelles dans le groupe sont possibles, mais l’attente est longue, et la jeune consultante ne voit pas son salut dans la patience. Elle se rend indispensable sur des dossiers très techniques, se fait repérer par l’équipe américaine, joue un coup de poker et remporte la mise : elle est mutée à New York un an après son arrivée à Londres. S’enchaînent six années de travail intense, sa vie dans une valise, qu’elle pose dans les hôtels en fonction des missions. « J’étais bonne à ce que je faisais mais je ne savais pas ce que je faisais là. Je ne me sentais pas en adéquation avec moi-même, alors je suis partie. »
En 2012, la jeune trentenaire met le cap sur la côte Ouest, et sa terre de rêves, Los Angeles. L’envie d’entreprendre est là, les idées aussi, mais aucune ne s’impose comme une évidence. Diane Montoriol reprend alors un poste de consultante chez un ancien client, en attendant d’avoir le déclic.
Il arrive en 2018, lors de vacances dans la maison familiale du sud de la France, et marque le début de l’histoire d’entreprenariat de la créatrice de Merci Maman. « J’étais en train de me promener dans les montagnes du massif de l’Esterel en pensant à ma grand-mère, et j’ai eu envie d’aller m’acheter un bon gaspacho pour le déjeuner. J’ai réalisé que je ne pourrai pas en trouver d’aussi bons dans le commerce que ceux de mon enfance. Et là, je me suis dit : en fait, c’est ça. »
À son retour à LA, Diane Montoriol se lance dans son projet de soupes froides : elle réfléchit à une levée de fonds, fait faire un audit de ses recettes, passe un examen pour diriger une cuisine commerciale… Jusqu’à ce que la pandémie impose le confinement en Californie dès mars 2020. « J’ai cru que ça signait la fin de mon projet, et puis je me suis remotivée, en me disant que c’était le moment ou jamais. Je me suis achetée une tente, je l’ai montée dans mon salon, et j’ai créé l’univers de Merci Maman. Une fois que tout était prêt, je l’ai plantée en bas de chez moi, sur le marché de Melrose. En une semaine, j’étais en rupture de stock. J’avais ma réponse. »
Merci Maman se développe et ajoute à ses points de ventes les marchés de Larchmont et de Brentwood, ainsi que des épiceries fines comme Gjusta à Venice, Monsieur Marcel à The Grove, Bravo Toast à West Hollywood, ou encore Lifehouse à Hollywood. « Ce qui est ultra positif, c’est de créer quelque chose que tu partages, de t’exprimer toi-même et pas pour quelqu’un d’autre. Après, il faut une bonne dose d’inconscience et ne jamais rien lâcher, car ça s’accompagne de moments vraiment difficiles. Quand tu as investi tes économies et que tu te retrouves à alpaguer le chaland sur un marché pour vendre tes soupes, alors que tu avais l’habitude de travailler dans des bureaux en verre surplombant Manhattan, tu te demandes si tu as fait le bon choix. En même temps, tu vis. Tu crois en ton produit, et tu as l’amour des clients en retour, ce que je n’avais pas quand j’étais consultante. Ils te soutiennent, ils ont envie que tu réussisses. C’est ça qui fait que tu continues. »
Pour séduire encore plus de palets, Diane Montoriol a lancé cette année le site internet de la marque pour proposer l’achat en ligne de sa dizaine de soupes originales, sans gluten et vegan, à base de produits locaux et bios : Cold Beets (betterave, tomate, concombre, framboise), Berry Happy (tomate, fraise, dattes, herbes aromatiques), Hello Yellow (tomate jaune, maïs, poivron jaune, jalapeno), Al Green (concombre, petit pois, fenouil, épinard)…
« Tous les ingrédients sont mixés à froid moins de 30 secondes, pour garder toutes leurs propriétés nutritives. Il n’y a aucun conservateur, juste des herbes, du sel, du poivre et de l’huile d’olive. Je conseille d’ajouter des fruits, des graines, des croûtons, que ce soit ceux que je vends ou ceux de vos envies ! Mon but, c’est vraiment de rendre ses honneurs à la soupe froide, et d’en faire le cœur du repas. »
La soupe d’un demi-litre est vendue 12,99$, dont 1$ par bouteille qu’il est possible de recycler, économisant ainsi sur les prochains achats. « Cela fonctionne sur le même système que notre livreur de lait d’antan : vous déposez vos bouteilles vides, qui seront récupérées lors de la livraison de votre commande. Votre compte sur le site sera alors crédité d’autant de containers rendus. » Diane Montoriol a vraiment pensé à tout. Merci Maman.