Colcoa (pour City of Lights, City of Angels), le festival de films français, est un rendez-vous que Costa Gavras ne louperait pour rien au monde. “Je ne viens pas ici pour faire du tourisme, mais je viens dès que j’ai un film à présenter”, assure tout sourire le réalisateur franco-grec. Plus que cela, c’est un fervent militant des échanges franco-américains dans le septième art : “Avec les associations françaises (comme Colcoa, la SACEM et la Guild – dont il est un membre engagé), nous essayons d’établir un pont pour qu’il y ait une discussion permanente entre les metteurs en scène. J’espère que ça va encore se renforcer”, argue-il sur le tapis rouge du Directors Guild of America à Los Angeles, le mardi 24 septembre.
Ce soir-là, il est venu présenter son dix-neuvième long-métrage “Adults in the room”, adapté du livre Conversations entre adultes: Dans les coulisses secrètes de l’Europe de Yánis Varoufákis, l’éphémère ministre des finances grec d’Alexis Tsipras. Dans ce film aux allures de thriller, le réalisateur de 86 ans raconte la crise grecque de 2015, révélant toute la tension dramatique des négociations bruxelloises pour tenter de mettre fin aux politiques d’austérité imposées à Athènes. “La crise est un drame pour le peuple grec, une tragédie”, insiste Costa Gavras. “J’ai senti l’envie de faire quelque chose ; et le livre de Yánis Varoufákis m’a offert une ligne dramatique pour le scénario.”
Sans vouloir polémiquer ou tomber dans le cliché de l’anti-capitalisme, il défend le retour à une «société démocratique». «Nous vivons un changement profond de notre société. Le grand problème est qu’elle est dirigée par le grand capital, les banques», dénonce-t-il.
Son cinéma, très politique avec des films comme «Missing» sur les disparitions à la suite du coup d’Etat de Pinochet au Chili, est connu aux Etats-Unis. Le public a ainsi découvert son œuvre via “Z”, sur la dictature des colonels grecs, qui a obtenu l’Oscar du meilleur film étranger et du meilleur montage en 1969. “Il y a un public intellectuel aux Etats-Unis qui s’intéresse à ce qu’il se passe en Europe”, est convaincu le réalisateur, assurant être «très curieux» de voir comment les Américains accueilleront son dernier-né. Et tant mieux, car Costa Gavras a désormais envie de se concentrer sur des sujets européens, même s’il n’est pas contre une belle histoire américaine, voire «même une histoire d’amour”.
Une histoire américaine très populaire ne l’avait pourtant pas séduit, il y a près de 50 ans : celle du «Parrain», qu’il avait refusé d’adapter en film. «On me rappelle toujours cette histoire», s’amuse-t-il.«Mais le livre ne me plaisait pas. Il n’a rien à voir avec le chef d’oeuvre de Francis Coppola».
Et de toute manière, Costa Gavras n’est pas homme à rester figé dans le passé. A 86 ans, il apprécie l’évolution du cinéma, que ce soit les effets spéciaux de plus en plus sensationnels ou la tournure prise par le cinéma français, avec des films comme «Les Misérables» de Ladj Ly, projeté à l’ouverture à Colcoa, qu’il a trouvé «incroyable». Dans cette ligne progressiste, il ne rejette pas en bloc les plateformes de streaming, mais milite pour des améliorations. «Netflix est un problème et une chose formidable car cela donne accès à un catalogue de films, partout dans le monde. Par contre, en tant que réalisateur, on ne sait pas comment vit le film, combien de personnes le regarde, où… Et il y a aussi le problème des droits d’auteur. Il faut que ça évolue.» Pour le moment, il espère qu’ « Adults in the room » aura une longue et belle vie dans les salles obscures. Et notamment américaines, puisque le réalisateur a su séduire les distributeurs outre-Atlantique par le passé.