La crise sanitaire mondiale qui a engendré la fermeture des frontières internationales a séparé de nombreux couples binationaux. La France vient de prendre une décision similaire à ses voisins européens pour permettre la réunion de partenaires séparés par la COVID-19 en annonçant le 8 août la mise en place d’une procédure dérogatoire dès le 10 août. La décision est un début de réponse au mouvement global #LoveIsNotTourism, qui continue d’œuvrer sur les réseaux sociaux pour que les voyages effectués par des couples binationaux non-mariés soient autorisés partout – et différenciés des déplacements touristiques, toujours très largement déconseillés (voire interdits). Le collectif demande depuis plusieurs mois aux gouvernements de modifier leurs restrictions d’entrée. Face à cette mobilisation généralisée en ligne, la France rejoint (tardivement) l’Allemagne, l’Autriche, le Danemark, la Finlande, l’Islande, la Norvège, les Pays-Bas, la République Tchèque et la Suisse, qui permettent déjà à ceux qui vivent une relation à distance de se retrouver.
Dans un entretien accordé au Journal du Dimanche publié vendredi 8 août, le secrétaire d’Etat au Tourisme Jean-Baptiste Lemoyne explique que, pour bénéficier de cette mesure exceptionnelle, les conjoints devront présenter au consulat français le plus proche un ensemble de documents prouvant l’authenticité et la durabilité de leur relation. Cela peut inclure, entre autres : un contrat de bail locatif, des factures ou comptes bancaires communs, la copie des pages de passeports tamponnées attestant de visites régulières. Mais ce n’est pas tout : « les conjoints devront se présenter au consulat avec des documents attestant des activités communes, leurs pièces d’identité, une preuve de résidence en France pour le conjoint français, un titre de transport aller et retour », précise le secrétaire d’Etat au tourisme. Les dossiers seront étudiés par la Direction de l’immigration du ministère de l’Intérieur, et les laissez-passer délivrés par la CIC, Commission Interministérielle de Crise.
La France met en place un dispositif spécifique pour les partenaires de vie séparés par la fermeture des frontières. Dès cette semaine, une demande de laissez-passer peut être déposée auprès du consulat 🇫🇷 le plus proche. Ce virus n’aime pas l’amour, nous si ! #LoveIsNotTourism https://t.co/MMIvzseBXa
— Jean-Baptiste Lemoyne (@JBLemoyne) August 8, 2020
Anne Genetet, députée de la onzième circonscription des Français établis hors de France, précise dans un post Facebook publié le 8 août que la procédure « ne présente pas un caractère permanent et ne permet pas des entrées multiples », mais bien des « retrouvailles de couples séparés depuis de longs mois en raison de la pandémie ». Elle ajoute que les dossiers pourront être traités par voie électronique. Aux Etats-Unis, les consulats sont déjà débordés, et n’ont pas encore reçu d’instructions officielles de la part du Ministère.
Si l’annonce de Jean-Baptiste Lemoyne a donné une lueur d’espoir à certains couples franco-américains, ceux qui n’ont jamais vécu sous le même toit regrettent que la mesure ne les concerne pas. « Le dispositif n’est pas adapté aux relations relativement récentes », explique Léa, étudiante française en couple avec Maxwell, Américain, depuis bientôt un an. « Nous ne sommes pas pacsés, nous n’avons pas de compte commun, et nous n’avions pas signé de bail pour l’appartement que nous occupions en sous-location. » Après avoir identifié deux destinations possibles (se retrouver au Royaume-Uni et y effectuer une quatorzaine, ou se retrouver en Serbie sans qu’aucune question ne leur soit posée), ils choisissent l’Europe de l’Est. « Pas de test, pas de quatorzaine, juste un tampon dans nos passeports à l’arrivée », raconte Léa. Leur rencontre a eu lieu en Amérique, lorsque la jeune fille, sous visa J1, était assistance de langues à Ursinus College en Pennsylvanie. « J’ai quitté les Etats-Unis mi-juin lorsque mon visa est arrivé à expiration, après un lockdown de trois mois chez les parents de Maxwell. Le consulat m’a confirmé que si nous avions des preuves de vie commune, le statut de concubin pourrait être reconnu et nous pourrions rentrer ensemble en France. Ce n’était malheureusement pas notre cas. Aujourd’hui, nous travaillons tous les deux à distance et sommes en Serbie pour 90 jours, après quoi nous devrons quitter le pays. Si la situation n’a pas changé en France, nous ne savons pas encore ce que nous déciderons. » A terme, ils souhaitent retourner vivre ensemble aux Etats-Unis et y obtenir leur doctorat.
Pauline et Kevin (elle Française, lui Américain) ont quant à eux opté pour le Mexique. Ensemble depuis presque un an également, ils vivent une relation à distance depuis janvier. « Je suis rentrée en France au terme d’un stage de six mois à Los Angeles sous visa A2. J’ai obtenu en mars un visa J1 pour un second stage, juste après que Trump ait fermé les frontières américaines », explique Pauline. Coronavirus oblige, l’entreprise qui devait l’embaucher finit par annuler sa promesse de stage. Avec son compagnon, ils envisagent alors de se retrouver quelques jours au Mexique ou en Croatie. « Après avoir lu sur un groupe d’entraide Facebook plusieurs “histoires à succès” de retrouvailles au Mexique, nous avons chacun réservé nos billets d’avion. J’ai voyagé de Paris à Cancun avec AeroMexico. La police aux frontières ne m’a pas posé de question. » Après s’être confiné à Playa del Carmen, le couple s’est dit au revoir au début du mois. Si ni la France ni les Etats-Unis ne lèvent leurs restrictions, leurs prochaines retrouvailles devront sûrement attendre 2021 – Pauline cherche activement un stage aux Etats-Unis et songe également à y poursuivre ses études.