Invité pour une résidence de dix semaines à San Francisco, le chef français Corentin Poirier est le premier pâtissier à avoir été invité à la Villa Albertine, généralement habituée à l’accueil des artistes classiques. Prônant la « culture du terroir » dans ses créations, le chef formé à l’école Ferrandi, et passé entre les mains de Laurent Duchêne, Cédric Grolet, Guillaume Gil et Dominique Ansel à New York, a mis entre parenthèse sa vie française pour s’immerger dans la culture culinaire franciscaine.
« La Californie, et en particulier San Francisco, semblait le meilleur endroit pour être au plus proche d’une agriculture vertueuse, raconte Corentin Poirier. Une destination aussi propice à la découverte de la gastronomie américaine. C’est ici que le mouvement Farm to Table est né. Un esprit en accord avec le style de pâtisserie que je défends, engagée, sortant des standards habituels, et ancrée sur les cultures et les ingrédients locaux. ».
Pour sa première expérience, Corentin Poirier est ainsi parti à la rencontre des producteurs et agriculteurs de la région, organisé le menu d’un dîner caritatif, visité la ferme bio Full Belly Farm et fait la rencontre d’Alice Waters, la fondatrice du célèbre restaurant Chez Panisse à Berkeley, connue pour ses engagements en faveur de la cuisine biologique et locale « de la ferme à l’assiette ».
« Une rencontre inoubliable, poursuit Corentin Poirier. Sa vision avant-gardiste orientée vers l’éducation et le futur de l’alimentation est à la source de ma vocation. S’en est suivi un événement au Musée de la Légion d’Honneur où j’ai présenté ma recette de « Madeleine Albertine » façon carrot cake, en hommage à la culture culinaire américaine et préparée à partir de produits locaux trouvés sur les meilleurs marchés fermiers de la ville ».
À l’occasion de sa résidence, le jeune chef a également collaboré pour l’événement La Nuit des Idées en composant un goûter à base de cookies pour les enfants, et rencontré la star du pain au levain, Azikiwee Anderson, fondateur de Rise up Bakery. « La culture du pain au levain m’a mis une vraie claque ! poursuit-il. Une culture aux origines influencées par les traditions françaises et italiennes et par toutes les cultures liées à l’immigration. La scène gastronomique de San Francisco est totalement inclusive. La ville compte plus de 100 nationalités et cela créé des fusions inattendues à l’image du pain à l’ube créé par Azikiwee, un légume racine originaire des Philippines à la couleur violette. »
Sponsorisée par la Fondation Roederer, la résidence de Corentin Poirier s’est achevée le 15 mars. Outre les rencontres et expériences engrangées, le garçon devrait collaborer dans les prochains mois à un premier ouvrage de recettes avec la cheffe franciscaine Tania Holland. « Cette expérience a conforté ma démarche inspirée par les terroirs, indique-t-il. Travailler en circuit-court, même en pâtisserie, et favoriser une économie locale et communautaire est possible. Dans quelques semaines, ma compagne sommelière de formation et moi-même serons de retour à Bayonne, où nous ouvrirons notre premier cookie shop baptisé Gozo, qui veut dire « gourmand » en basque, un produit qui s’adapte bien à ma philosophie. »
Suite à la résidence de Corentin Poirier, c’est le jardinier, pépiniériste et paysagiste Eric Lenoir qui a pris le relais. L’histoire d’un jardinier punk, prônant un mode de jardinage émancipé des contraintes budgétaires et adapté aux potentiels écologiques des lieux où il opère.