Récompensé du prix du meilleur scénario au dernier Festival de Cannes, « The Substance » est le film phénomène de cette fin d’année. Un film qui raconte l’histoire d’Elisabeth – jouée par Demi Moore -, une ancienne vedette d’Hollywood reconvertie en présentatrice d’une émission télévision d’aérobic et considérée trop âgée pour continuer. La découverte d’une substance mystérieuse va lui permettre de créer une version d’elle-même plus jeune et plus belle. Un miracle de beauté au lourd prix à payer…
À la fois haletant, dérangeant, drôle, trash, le film réalisé par la Française Coralie Fargeat explore ainsi l’obsession universelle pour la jeunesse éternelle. Un thriller à suspense, chargé en hémoglobine, inspiré des genres fantastique, épouvante et gore, et qui connaît depuis sa sortie, en septembre dernier, un véritable succès au box-office.
Invitée du Consulat de France à Los Angeles il y a quelques jours, la réalisatrice revenait pour French Morning sur sa fascination pour Los Angeles, ville dans laquelle elle a commencé à écrire le scénario du film. « J’ai eu un vrai choc en découvrant Los Angeles, confesse Coralie Fargeat. Je pensais que je détesterais mais j’ai adoré cette ville. La culture du cinéma est partout, on rencontre ici à chaque coin de rue quelqu’un qui travaille dans l’industrie. Il y a quelque chose de magique ici. Après la sortie de mon premier film “Revenge”, j’ai pu m’accorder quelques mois dans le quartier de Silver Lake, m’immerger, comprendre et commencé au LAMILL Coffee à écrire les premières scènes de “The Substance”. »
Bien que tourné en France, sur la Côte d’Azur, le film transporte dans un décor de rêve et de palmiers rappelant étrangement Los Angeles. « Outre les raisons financières relatives à un tournage aux États-Unis, ce n’est pas le vrai Los Angeles qui m’intéressait, mais plutôt la recréation symbolique et décalée de son univers, commente-t-elle. Le film parle de symbole. L’obsession de la jeunesse et de la beauté sont des sujets universels, et ancrer cela dans le Sud de la France est mon interprétation et ma vision personnelle. Et puis, le cinéma est aussi l’art de la triche. Si certains s’imaginent que le film a été tourné à LA, tant mieux ! Faire croire, jouer avec les faux-semblants, tout cela fait partie de l’artisanat du cinéma que j’aime. »
Tête d’affiche du film aux côtés de l’actrice Margaret Qualley, la comédienne Demi Moore, aujourd’hui âgée de 62 ans, crève littéralement l’écran . « La participation d’une actrice relève d’un ensemble de circonstances, du timing, de l’envie, de la rencontre, poursuit Coralie Fargeat. Demi représente le symbole de l’actrice hollywoodienne, et c’est cela que je cherchais. J’ai longtemps pensé qu’elle n’accepterait pas mais lorsqu’on lui a envoyé le scénario, elle était à ce moment de sa vie, en pleine réflexion sur ces questions du jeunisme, du vieillissement… Elle avait envie de jouer avec son image, de prendre le risque et de se confronter à son destin. »
Fascinée par le cinéma américain depuis sa tendre enfance, la réalisatrice confie avoir été influencée par toute la génération des films des années 80 et 90. « Je suis une enfant de Stars Wars et d’Indiana Jones, dit-elle. Tout le cinéma d’aventures, de science-fiction, les westerns aussi, m’ont fait rêver. Jeune, je n’étais pas super à l’aise dans la vraie vie, et ces films m’ont donné envie de vivre et de m’exprimer. Mon premier court-métrage était d’ailleurs un remake de Stars Wars. Le cinéma plus complexe et plus noir de David Lynch ou David Cronenberg m’a ensuite fasciné et complété mon bloc de références. »
Concourant aux prochains Golden Globe Awards dans la catégorie « comédie/musical » – une catégorie laissant perplexe fans et professionnels – et pressenti pour les Oscars, le film « The Substance » connaît un joli succès au box-office depuis sa sortie avec plus de 70 millions de dollars de recettes enregistrées (pour un budget estimé à 18 millions de dollars). Un parcours qui ravit, à l’évidence, la réalisatrice.
« Quand on fait des films, on a envie d’être vu, d’être aimé, que ce que l’on créé rencontre le public, dit-elle. Il y a une véritable émotion de voir que ce film résonne, déclenche des conversations, des débats, voire des blagues… les ingrédients qui font qu’un film marque les esprits. “The Substance” parle de nos peurs de disparaître, et que tout se termine. C’est la même chose pour les films. L’envie que les gens s’en souviennent, l’envie de durer est naturelle. Et c’est pour cela que je fais ce métier. »
Au milieu d’une centaine de personnes venues la rencontrer à Los Angeles, Coralie Fargeat prit le temps d’échanger avec le public pendant plusieurs heures, tout ce petit monde étant invité à déguster champagne mais aussi boudin et aligot, des plats en clin d’œil à certaines scènes du film. Parmi ses premiers admirateurs, le nouveau Consul général de France, Adrien Frier, cinéphile et amoureux du cinéma américain – « des grandes épopées de Stars Wars, Alien ou Indiana Jones, aux films de Sofia Coppola et Quentin Tarantino » -, confiait sa fascination pour l’esthétisme poussé du film.
« Un esthétisme qui s’impose au-delà même des images dérangeantes et parfois difficiles à regarder, dit-il. Une sorte d’anti-portrait de Dorian Gray et une réflexion très stimulante sur l’âme et le corps. Plus globalement, ce film fait partie de la nouvelle scène cinématographique française à l’audace incroyable, aux histoires captivantes et à la réflexion pertinente. Son message sur les dérives de la société et les violences que peuvent subir les femmes est important à comprendre. »