C’est un objet qui décore et parfume de nombreux salons depuis plus d’un siècle. En France mais aussi et surtout à l’étranger.
La Lampe Berger a été inventée en 1898 par Maurice Berger, préparateur en pharmacie, afin de purifier l’air des chambres d’hôpital. La lampe à catalyse a connu un succès immédiat, puis elle a quitté le milieu hospitalier pour passer dans les salons des Français grâce à l’ajout de parfums.
La PME de 150 personnes est aujourd’hui installée dans l’Eure et vend plus de 800.000 bouteilles de parfum par an ainsi que 5 millions de litres de recharges dans 56 pays. Aux Etats-Unis, où Lampe Berger est installée depuis 1990, le succès a été au rendez-vous. Puis les ventes se sont essoufflées, au point de songer à la fermeture du bureau américain.
La marque a finalement décidé d’engager Christophe Risterucci comme président de Lampe Berger USA, en 2010. Le quadra dynamique a relancé la machine et les Etats-Unis sont aujourd’hui le premier marché de la marque à l’international. Christophe Risterucci, qui a redressé par le passé plusieurs boîtes françaises en danger aux Etats-Unis, donne ses conseils pour mieux appréhender le marché américain.
Comprendre le marché américain
“Ici, c’est le client qui dicte le marché et les tendances, pas l’inverse“. Si pour Christophe Risterucci, comprendre le marché américain est la base quand on installe une entreprise française aux Etats-Unis, cette étape est souvent négligée, selon lui. Ce qui expliquerait en partie les mauvaises expériences. “En Europe, on est habitué à notre clientèle et on a tendance à lui imposer nos modèles. Aux Etats-Unis, ce sont les clients qui décident. Les Américains peuvent adopter un produit avec passion puis passer à autre chose aussi vite“.
Pour comprendre le naufrage de Lampe Berger, le nouveau président a discuté avec les vendeurs et les détaillants. “Il faut aller sur le terrain, rencontrer le consommateur pour comprendre l’origine du désamour, rencontrer aussi les détaillants (2.000 à travers le pays pour Lampe Berger) pour qu’ils expliquent pourquoi ils ont du mal à vendre, pourquoi les clients délaissent la marque alors qu’ils étaient acheteurs auparavant“. C’est en organisant des “focus groups” de consommateurs avec présentation du produit et questionnaire que le nouveau président de Lampe Berger USA s’est rendu compte qu’une concurrence s’était installée, de moins bonne qualité mais aussi moins chère.
Oublier les business plans français
“En arrivant aux Etats-Unis: jetez vos tableaux Excel, vos prévisions de ventes, et toutes les formules qui vont avec“. Qu’on se le dise, l’Amérique est un monde à part. “Ça ne sert à rien d’appliquer les mêmes recettes qu’en France, même quand elles ont bien fonctionné, constate Christophe Risterucci. Souvent les sociétés arrivent avec ce discours: On est 66 millions en France, il y a 300 millions d’Américains, on va tout multiplier et ça va marcher! Mais ça ne marche pas comme ça du tout“. En effet, les Etats-Unis sont grands comme 17 fois la France. Différences culturelles, différences de climat et même parfois de langue, on ne peut pas coller une stratégie française sur ce territoire. Il y a plein de sous-marchés à l’intérieur des Etats-Unis. “Sur le papier, quand on s’installe et qu’on fait des projections, les courbes de vente sont toujours très belles. La réalité est différente“.
Savoir se positionner
“Notre positionnement était trop über luxury alors qu’il fallait de l’affordable luxury“. Savoir mettre un prix sur son produit est capital, aux Etats-Unis comme ailleurs. “Mes prédécesseurs, face à des ventes en chute, ont fait le choix d’augmenter les prix, et de diminuer les volumes. Mais ça n’a pas marché“. Christophe Risterucci a donc décidé d’écouter son panel de consommateurs et de repositionner la Lampe Berger en créant une offre spécifique au marché américain. “Le coffret était à 40 dollars. J’en ai créé un à 30 avec une plus petite bouteille“. Une stratégie qui a payé puisque ce coffret est aujourd’hui le numéro 1 des ventes dans le monde. “Ce coffret moins cher nous a permis de capter de nouveaux clients, ce qui est capital pour Lampe Berger“. Christophe Risterucci a appliqué le modèle de Nespresso, imaginant qu’un client ayant acheté une bouteille continuera à acheter des recharges et ne remettra pas le même budget dans un produit concurrent.
Adapter l’offre
A son arrivée aux Etats-Unis, Lampe Berger a vendu les mêmes produits qu’en France. Bouteilles mais aussi fragrances. Or pour le parfum comme pour le vin, Américains et Français n’ont pas forcément les mêmes goûts. Le président USA a donc convaincu le siège de développer des fragrances spécifiques. “On a proposé des parfums plus sucrés, plus épicés et on leur a donné des noms américains“. Le résultat: New Orleans, Charleston, Savory Apple Tart…. Aujourd’hui, Lampe Berger compte cinquante parfums, dont dix spécifiques aux Etats-Unis. “Ça n’a pas été facile de le faire accepter au siège, mais nous y sommes parvenus. Je crois que c’est une des raisons des échecs des entreprises françaises ici: elles ne s’adaptent pas assez“.
Etre patient
“Une fois qu’on a une stratégie, il faut persévérer“. Selon Christophe Risterucci, une des erreurs de Lampe Berger a été de changer de patron tous les ans à partir du moment où les ventes ont commencé à ne plus marcher. “Il faut de la continuité et de la persévérance“. Les chiffres ne repartent pas à la hausse du jour au lendemain, il faut laisser du temps à une stratégie de s’installer, de s’adapter. “En cinq ans, notre pari est gagné, la marque est de nouveau présente et notre business est solide“. Les Etats-Unis sont devenus le premier marché de la marque en terme de ventes et rapporte 15 millions de dollars par an à la compagnie normande.