Datadog est une start-up fondée en 2010 par les Français Olivier Pomel et Alexis Lê-Quôc, installée à New York. Les deux amis, diplômés de Centrale Paris, ont eu l’idée de fournir des solutions de monitoring de données, permettant aux clients de contrôler leur société sur le web en ayant toutes les informations nécessaires.
Un service du “cloud” qui a séduit très vite le marché américain, si bien qu’en 7 ans, la petite start-up est devenue une référence. 148 millions de dollars de levées de fonds plus tard, Datadog occupe aujourd’hui un étage complet du bâtiment du New York Times à Times Square et emploie 400 personnes à travers le monde. Pour French Morning, Alexis Lê-Quôc nous parle du recrutement et de la problématique de la concurrence dans le secteur pour trouver les pépites.
1/ Comment se déroule le recrutement?
“Chez Datadog, la valeur cardinale du processus de recrutement, c’est qu’il doit être identique d’un candidat à l’autre, explique Alexis Lê-Quôc. La première phase est menée par les ressources humaines qui cherchent les personnes intéressantes, et reçoivent les profils“. Ces “people ops” font une première sélection sur CV pour un premier écrémage rapide avant un entretien par téléphone. “L’idée est de se faire une idée de la personne, de s’assurer qu’elle est sociable et capable d’avoir une discussion normale“. Vient ensuite un entretien plus technique, également par téléphone. “Cette fois c’est un professionnel de la branche concernée qui interroge le candidat pour savoir s’il y a une adéquation entre le profil, le poste et le CV“. Puis vient l’étape éliminatoire du homework. Les candidats retenus se voient remettre un exercice type qu’ils pourraient avoir à accomplir au cours d’une journée de travail. “Si la personne postule pour un poste de software engineer, elle devra forcément être capable de coder“, résume Alexis Lê-Quôc. “C’est une étape intéressante car on sait que certaines personnes sont très fortes pour passer des entretiens, c’est donc une manière de filtrer“. Enfin, pour ceux qui ont passé tous les échelons, et notamment les ingénieurs, ils auront droit à un entretien au téléphone avec Alexis Lê-Quôc, avant la validation de l’offre, “pour connaître sa motivation finale et avoir un premier contact privilégié“.
Datadog recrute en permanence mais la start-up ne veut pas d’une croissance exponentielle de sa masse salariale, “pour que la culture du début reste là même, mais aussi parce que dans certains domaines, comme le software engineer ou la data science, on a de plus en plus de mal à trouver des candidats“. La faute au trop peu de diplômés et à une concurrence importante pour capter ces profils. Pour pallier ces problèmes de recrutement, Datadog repère aussi ses stagiaires, imprégnés de la culture de la start-up et dont les managers ont pu vérifier les connaissances sur la durée.
2/ Comment faire face à la concurrence et garder ses bons éléments?
Chez Datadog, on veut que les salariés aiment leur travail. “Je souscris assez à l’idée que quand les gens quittent une entreprise, de manière volontaire, c’est parce qu’ils n’aiment pas ce qu’ils font ou qu’ils ne s’entendent pas avec leur manager“, explique Alexis Lê-Quôc. Les descriptions de poste et la méthode de recrutement permettent d’éviter les erreurs de jugement des deux côtés.
Bien entendu, face à une concurrence prête à tout et à des salariés ultra sollicités, le salaire joue un rôle, même s’il ne fait pas tout. “Si on a bien fait notre travail, si on propose une offre compétitive, les gens ne se lèvent pas le matin en se disant: je ne gagne pas assez, qu’est-ce que je pourrais trouver ailleurs?“. L’évaluation du marché et de la concurrence est donc essentielle pour garder ses salariés.
Mais ce n’est pas tout. Les avantages liés au poste ou à l’entreprise peuvent peser dans la balance. C’est le cas des horaires de bureau par exemple. Chez Datadog, pas de réunionite aigüe: les meetings n’ont jamais lieu très tôt ou en soirée, ou alors de manière très exceptionnelle. “Les gens sont libres de leurs horaires, on les responsabilise juste pour que tout le monde puisse travailler“. Résultat, les bureaux sont tous occupés de 10am à 6pm, les horaires variant pour les postes liés à la vente ou au support, qui dépendent des clients.
Pour les vacances, Datadog applique le principe de l’open policy. “Il y a juste un minimum informel, explique Alexis Lê-Quôc. On ne veut pas voir de salariés rester au bureau toute l’année, c’est contre-productif car on n’est pas efficace“. Les salariés de la start-up prennent entre 3 et 4 semaines de congé par an. Là aussi, il s’agit d’un contrat moral.
Enfin, Datadog offre trois mois de congé maternité et réfléchit à faire évoluer le congé paternité.
3/ Quelle place accorder à l’environnement de travail?
L’environnement est essentiel pour Datadog, qui a choisi d’occuper un étage entier du bâtiment du New York Times en plein cœur de Manhattan. Les cloisons sont limitées et toutes transparentes, la vue est époustouflante et l’open-space circulaire est agréable. “On veut que les salariés aient envie de venir travailler“. Pour Alexis Lê-Quôc, il ne s’agit pas de transformer son bureau en extension de son domicile mais de passer sa journée dans un endroit calme et clair. Dans un coin des fauteuils confortables, des phone booth pour téléphoner tranquillement, une grande cafétéria avec un service de traiteur plusieurs fois par semaine. Mais contrairement aux locaux de certaines start-ups, pas de tables de ping pong ou de poste de réalité virtuelle aux quatre coins du bureau. “Ce n’est pas notre truc, c’est une question de philosophie d’entreprise“, reconnaît Alexis Lê-Quôc. “Ca reflète aussi la démographie de l’entreprise, ajoute-t-il. Le campus d’université au travail, ça peut attirer des jeunes qui sortent d’école mais pas forcément ceux qui ont une vie en dehors du bureau“. Pour autant, pas de costume-cravate chez Datadog, le T-shirt est de mise et les tatouages ne choquent personne. “Ce qui nous intéresse c’est que le travail soit de qualité et que les salariés donnent le meilleur d’eux-mêmes“.
4/ Comment garder une culture d’entreprise quand on grandit si vite?
Garder sa marque de fabrique, l’esprit startup des débuts est primordial pour les deux patrons de Datadog. Pour ne pas se perdre au milieu de l’open space et éviter des premiers jours douloureux, un mentor est attribué à chaque nouveau salarié. “C’est une personne qui va l’aider à naviguer plus facilement“, explique Alexis Lê-Quôc. En plus du mentor, un ‘buddy’, va également accompagner les nouveaux. Il s’agit cette fois d’une personne d’un service différent, à qui poser des questions non professionnelles, comme par exemple le fonctionnement de la cafétéria.
Olivier Pomel et Alexis Lê-Quôc organisent régulièrement des Founder AMA (“Ask me anything”). Destinées aux nouveaux arrivants, ces réunions informelles permettent de se rencontrer et d’aborder n’importe quel sujet. “C’est aussi l’occasion de montrer qu’on reste accessible“, explique Alexis Lê-Quôc, dont le bureau se trouve au milieu de l’open space.
Enfin, Datadog a lancé une nouvelle expérience. Donut.ai, un logiciel lié à la plateforme de discussion Slack. “Donut analyse les forums de discussion sur Slack et propose à deux personnes qui ne sont pas en lien de prendre 15 mn pour prendre un café“. Betty de engineering pourra faire sa pause avec Bob de la compta. L’idée est venue à Alexis Lê-Quôc en réalisant que les employés de Datadog passaient leur temps avec leur équipe, y compris pour la pause déjeuner. “Donut permet aux gens de sortir de leur cercle, et de connaître d’autres collègues“, explique-t-il. Une expérimentation basée sur le volontariat. “On veut que nos salariés soient épanouis, c’est pour nous la marque ultime de la réussite!“.