Fondée en 1893 à Saint-Junien dans la Haute-Vienne, la Maison Perrin a longtemps été une référence pour ses gants en cuir, raffinés et sophistiqués.
Mais après la Seconde Guerre mondiale, des modèles moins onéreux en laine ont détrôné le cuir. Face au déclin de la marque, la quatrième génération de Perrin, composée de Philippe et Henri, a eu l’idée de développer des sacs, en plus des gants. Une reconversion réussie pour cette entreprise qui embauche, créée et s’exporte. C’est d’ailleurs à Beverly Hills que Perrin a ouvert sa première boutique en propre en 2009, avant Paris et New York en 2011 et 2012.
A Los Angeles, Olga Pancenko est responsable du business development et du marketing. Elle explique comment Perrin, petite entreprise familiale, a réussi à s’imposer aux Etats-Unis.
Comment se faire connaître quand on n’est pas Chanel ou Longchamp ?
La boutique Perrin a ouvert en 2009 sur les hauteurs de Beverly Hills, un quartier où se trouvent toutes les plus grandes marques de luxe. Pas de quoi effrayer l’ancien gantier, bien au contraire. “La décision de s’installer à Beverly Hills a été très stratégique. La marque n’étant pas encore connue aux Etats-Unis, il fallait être dans un endroit qui prédisposait deja une certaine sensibilité aux produits français. Beverly Hills était l’emplacement parfait“, explique Olga Pancenko. L’équipe de Perrin avait en effet décelé une envie de produits français haut-de-gamme et identifié un profil type de clients: des personnes aisées, déjà équipées en sacs de grandes marques et demandeuses de nouveautés avec la même exigence de qualité. “Dans la rue North Beverly Drive il y avait déjà une présence française avec le salon de coiffure Christophe. Depuis, d’autres marques françaises se sont installées comme Ladurée, Sandro, Maje, Dyptique…”
Autre stratégie pour la marque lancée avec un investissement familial: se faire connaître en limitant au maximum le budget publicité. “Ca nous a forcé à être inventif et à créer des opportunités, explique Olga Pancenko. “C’est important d’avoir un budget marketing, mais c’est encore plus important de le dépenser de manière stratégique. La publicité dans les magazines est une bonne chose mais c’est une activité au cout important et sans un retour clair“. Perrin a donc choisi de s’investir dans des collaborations. Comme avec l’architecte Zaha Hadid ou avec le magazine de luxe américain Robb Report où une carte cadeau découverte est offerte aux abonnés. “C’est une façon de nous faire connaître par ces lecteurs très sélect. Associer notre nom à une publication haut-de-gamme est très intéressant“.
Mettre en avant le côté français
Pour Perrin, la qualité “made in France” est primordiale. “Ca a toujours été très important pour nous de garder et réenforcer notre ADN français. Notre but c’est d’arriver à offrir a un client exigent une vraie experience de marque de luxe française”, confie Olga Pancenko. Perrin ne cherche pas à tout prix à embaucher des Français mais naturellement, y compris pour des postes administratifs ou dans le digital, ce sont des francophones qui postulent. “Il faut de toute façon avoir une appétence particulière pour la France“, explique la responsable du business development. Originaire d’Ukraine, elle a étudié et vécu à Paris et parle parfaitement français. “La directrice de la boutique de Beverly Hills est française. Son charme et son accent font partie du jeu”. Autre détail important: la palette de couleurs pour chaque saison est en français. “Les clients adorent que la couleur s’appelle “Tanger” et pas juste “Orange”.
S’adapter à la clientèle
Chaque boutique a sa propre clientèle et il faut savoir s’adapter. “Dans la boutique de Madison Avenue à New York, il s’agit d’une clientèle de quartier, précise Olga Pancenko. Ce sont souvent des femmes d’un certain âge qui apprécient la marque et viennent régulièrement“. A Beverly Hills, la clientèle est plus jeune mais aussi plus internationale: “Nous attendons l’été avec impatience car c’est le moment où la clientèle du Moyen-Orient arrive en vacances en Californie“. Des familles souvent nombreuses et aisées qui apprécient particulièrement les couleurs vives et le clinquant. “C’est un moment important dans notre business“, reconnaît la responsable du development et du marketing.
Avoir une vraie politique de vente en ligne
Michel Perrin, qui a relancé l’entreprise familiale, est un ancien de Microsoft et a longtemps travaillé dans la tech. “Pour lui, il était primordial de développer le web, d’avoir une vraie stratégie et pas juste une vitrine pour la marque“. Résultat: Perrin ne cherche pas à tout prix à ouvrir de nouvelles boutiques. En plus de New York, Los Angeles, Paris, Tokyo et Hong Kong, la marque est seulement disponible dans des corner shop de grands magasins comme Bergdorf Goodman ou Tootsies au Texas.
“On génère autant de revenus en ligne que dans les boutiques et les Etats-Unis représentent entre 60% et 80% de nos ventes web. C’est beaucoup plus américain d’acheter en ligne, même un produit comme un sac à main“, reconnaît Olga Pancenko. Et pour conserver son image de produit de luxe, Perrin a fait le choix de ne jamais proposer de soldes. “La politique du discount ne fonctionne pas avec un produit comme le nôtre. Nos collections permanentes sont intemporelles et fonctionnent en été comme en hiver. Nos best sellers sont les mêmes depuis des années, il n’y a donc aucune raison de les solder. On préfère proposer des offres exceptionnelles à nos clients fidèles pour les fêtes ou les anniversaires”. Par ailleurs, Perrin essaie de ne pas trop produire pour éviter de se retrouver avec des stocks sur le dos.