Vendredi 21 avril se tenait la première du documentaire sur Candy Darling, Beautiful Darling, à l’IFC center. Candy Darling ça ne vous dit rien ? Mais si, repensez au tube de Lou Reed Take a Walk on the Wild Side, le chœur entonnant « doo, doo, doo, doo »… Avec un peu de chance les paroles du deuxième couplet vous reviendront aussi en mémoire : « Candy came from out on the Island/In the backroom she was everybody’s Darlin’ ». Candy Darling est un des transsexuels qui furent parmi les muses d’Andy Warhol durant les heures glorieuses de la Factory.
La première valait le détour pour venir admirer un public haut en couleur. Il y a d’un côté les purs et durs, les vrais, ceux qui étaient déjà dans le Village au temps de Warhol et puis de l’autre la nouvelle génération composée de jeunes arty et de militants LGBT en mal d’icône. Je cherche en vain des yeux Patti Smith, car après tout la première à l’avoir mis sur les planches ce fut Candy Darling.
Mais ce qui fait de Beautiful Darling un film à ne pas manquer ce n’est pas tant sa dimension « people » que l’émotion intense qui se dégage tout au long de ce portrait d’une femme d’exception. Dès les premiers instants la sensibilité à fleur de peau de Jeremiah Newton, qui fut son meilleur ami, nous touche. L’homme a vieilli, pris du poids et peine à se déplacer. Difficile de croire qu’il s’agit bien du même homme que l’on aperçoit sur les images d’archives, jeune éphèbe qui faisait frémir Andy Warhol et la gente masculine de la Factory. Tous les intervenants font ainsi revivre au travers d’anecdotes et de confessions la star au destin tragique.
Figure de l’avant-garde dans les années 70, Candy Darling fut un mélange explosif du passé et de l’avenir qui la rend forcement terriblement actuelle. Pattie Smith dira d’elle et de Jackie Curtis qu’elles étaient «en avance sur leur temps mais ne vécurent pas assez longtemps pour voir le temps sur lequel elles avaient pris de l’avance.»
A une époque où pour le prix d’une intervention chirurgicale on vous redessine à souhait votre visage ou votre corps, où Michael Jackson, Madonna ou plus récemment Lady Gaga ont fait de leurs transformations physiques un gagne-pain lucratif, le choix de James Slattery de devenir non pas une femme mais une star était pour le moins précurseur. Il se voulait Kim Novak mais finira par ressembler davantage à Marilyn.
Candy Darling a choisi de transformer sa vie en une expérience artistique créant un personnage qui était – même pour son entourage proche – difficile à décoder. Lorsqu’on interrogera les intervenants sur sa vie amoureuse tous répondront « oh, elle devait certainement en parler à d’autres mais en tous cas pas à moi ! » Ses écrits lus par Chloe Sevigny qui nous ferait presque oublier qu’il ne s’agit pas de Candy elle-même, révèlent une souffrance sourde car être acceptée par certains impliqua nécessairement pour elle d’être refusée par d’autres. Souffrance aussi d’un milieu artistique instable où elle peine parfois à trouver sa place. Son cancer qu’elle affronta comme le dernier rôle de sa vie a l’âge de 29 ans l’emporta dans toute sa splendeur : belle et torturée.
Beautiful Darling est de ces films dont l’on ressort comme en deuil d’un être aimé. Impossible en effet de ne pas tomber amoureux de Candy Darling.
Où? IFC Center, 323 Sixth Avenue
Quand? Jusqu’au 28 avril.
Combien?13$