Vingt-cinq mille mots français ont intégré la langue anglaise en près d’un millénaire. Dans cette nouvelle chronique, Anthony Lacoudre, auteur de L’incroyable histoire des mots français en anglais (Ed. Walworth Publishing), revient sur quelques-uns de ces termes français que les Américains utilisent tous les jours sans connaître leur origine.
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De l’invasion de l’Angleterre par Guillaume le Conquérant (en 1066) à l’après-Seconde guerre mondiale, 25.000 mots français ont intégré la langue anglaise.
Sur ces 25.000 mots, environ 400 correspondent à des mots employés en français dans le texte, comme “carte blanche”, “cliché”, “massage”ou “rendez-vous” . D’autres ont changé d’orthographe quand ils ont rejoint la langue anglaise. C’est le cas de “mute”.
L’adjectif “mute” entre initialement dans la langue anglaise sous l’orthographe “mewet” vers 1380, du français “muet”, qui lui-même fait son apparition en français vers 1175 (du latin “mutus”). “Mewet” deviendra “Mute” au cours du XVIème siècle.
“Mewet” débarque en Angleterre en pleine Guerre de Cent ans, alors que la langue française est la langue officielle des royaumes de France et d’Angleterre depuis plus de 300 ans. Le son ‘U’ étant imprononçable par les Anglais (d’ailleurs le son ‘U’ n’existe pas en anglais, la lettre U étant prononcée soit ‘IOU’ comme dans “cube”, soit ‘EU’ comme dans “judge” , soit ‘OU’ comme dans “nuisance”), ils se rabattent sur une prononciation différente: “Mioute” . Le mot “mute” est né. Les Anglais adopteront ensuite “mutisme” en 1824, de “mutisme” (mot créé en français en 1721).
Le mot anglais “mute” est donc une anagramme du mot français “muet”, ce qui n’est pas évident à deviner pour des non-spécialistes. La permutation de lettres est une technique d’anglicisation pratiquée à de nombreuses occasions: “entier”est devenu par exemple “entire”, “cidre” “cider”, “médaillon” “medallion” et “bleu” “blue”.