Chêne de l’est qui exporte ses parquets haut-de-gamme depuis bientôt 15 ans aux Etats-Unis, avait besoin de « franchir un palier », selon l’expression de Jean-Michel Bach, l’un des deux frères aux commandes de l’entreprise familiale. La vente de ses produits à New-York, en Californie, en Géorgie, déjà, et en Floride, à travers son réseau de cinq distributeurs spécialisés, rapportait à l’entreprise 1,5 M€ par an, soit seulement 5% de son chiffre d’affaires. Les frères et soeurs étaient persuadés qu’ils pouvaient faire beaucoup mieux.
La famille Bach, propriétaire du fabricant français de parquets Chêne de l’est, a déjà réservé ses billets d’avion pour Atlanta en mai. La dernière fois que Raymond Bach, qui dirige l’entreprise avec ses trois frères et sœurs, et son neveu Sébastien, le directeur financier, ont posé le pied en Géorgie, c’était en février 2020. Depuis 13 mois, l’histoire s’est accélérée. Le virus de la Covid-19 a fait le tour du monde, mais surtout le spécialiste français des parquets en chêne, installé à Hambach en Moselle depuis plus de 50 ans, a racheté son homologue américain Authentic Reclaimed Flooring, implanté, lui, à Atlanta depuis près de 40 ans. Une opération de croissance externe qui arrive au bon moment.
Chêne de l’est qui exporte ses parquets haut-de-gamme depuis bientôt 15 ans aux Etats-Unis, avait besoin de « franchir un palier », selon l’expression de Jean-Michel Bach, l’un des deux autres frères aux commandes de l’entreprise familiale. La vente de ses produits à New-York, en Californie, en Géorgie, déjà, et en Floride, à travers son réseau de cinq distributeurs spécialisés, rapportait à l’entreprise 1,5 M€ par an, soit seulement 5% de son chiffre d’affaires. Les frères et soeurs étaient persuadés qu’ils pouvaient faire beaucoup mieux.
Ces exportations ne demandaient qu’à être débridées, car outre-Atlantique la demande ne faiblit pas pour les parquets de la PME française (30 M€ de CA, dont XX% à l’export et 180 salariés). « Les décorateurs, les architectes d’intérieur américains et leurs riches clients sont fascinés par les produits européens « à histoire ». Et dès qu’on leur parle de parquets, ils imaginent Versailles et Le Louvre », s’amuse Jean-Michel Bach. Or sur le sujet, l’entreprise possède au moins deux atouts. Les lames de ses parquets sont faites dans des bois aux essences recherchées. Un peu de technique. Si l’Amérique du Nord est couverte de forêts magnifiques, les chênes roses et blancs qui y poussent sont dépourvus de tanin. A la différence des arbres de nos contrées. Or, cette substance végétale donne au bois une coloration naturelle, toute en nuances, qui lui évite l’étape de la teinture et ses tons uniformes. A cette richesse des matières premières s’ajoute le savoir-faire de la PME. Sur les salons professionnels comme Surfaces ou HD Expo à Las Vegas où il lui arrive d’exposer, le fabricant français a du succès auprès des décorateurs et des distributeurs de parquets qui s’arrêtent à son stand. Tous sont séduits par son catalogue où l’on recense plus de 200 finitions applicables aux lattes de bois (huilées, vernies, vieillies, fumées, oxydées, coupées en points de Hongrie ou à bâtons rompus…). D’autant qu’à ces traitements standards, les équipes de production en ajoutent d’autres à la demande du client.
Le seul inconvénient -de taille- pour Chêne de l’est restait le délai de livraison. Un client américain qui passe commande doit patienter 8 à 10 semaines avant de recevoir son parquet, le temps de le fabriquer en France et de l’acheminer par bateau. « La distance nous posait des problèmes de réactivité car nos distributeurs américains n’ont pas de stock. Ils nous passent commande chantier par chantier », explique Jean-Michel Bach. L’expédition par bateau de quelques mètres carrés de parquet pour terminer un chantier ou l’envoi d’un simple échantillon par avion deviennent vite de véritables barrages commerciaux. L’absence d’une représentation physique outre Atlantique pose d’autres problèmes à Chêne de l’est : ses clients ne sont pas visités aussi souvent qu’il le faudrait et leurs échanges sont conditionnés par le décalage horaire. « Le professionnel américain a du mal à avoir confiance dans un fournisseur qui ne met pas les moyens pour s’installer aux Etats-Unis », analyse Sébastien Bach, le directeur financier.
Ces freins au développement expliquent que la famille Bach ait tendu l’oreille quand l’un de ses distributeurs américains lui glisse en 2019, le nom du fabricant de parquets Authentic Reclaimed Flooring, une entreprise d’Atlanta d’une trentaine de personnes qui réalise 4,2 M$ de chiffre d’affaires par an. Pendant quelques mois, le distributeur américain joue les relais entre la France et les Etats-Unis. Puis, à partir du début 2020 les choses vont aller très vite. En janvier, Zak Mc Murry le patron d’Authentic Reclaimed Flooring se rend sur le salon Domotex à Hanovre, en Allemagne, où Chêne de l’est est exposant. C’est la première rencontre avec la famille Bach qui l’invite à venir visiter ses usines en Moselle. Le mois suivant, c’est au tour de Joseph et Sébastien Bach de se rendre à Atlanta et de vérifier que leurs entreprises sont bien compatibles. La société installée dans la capitale de Géorgie possède une structure familiale elle aussi, dirigée par le fils du fondateur et son épouse ; elle fabrique des produits de qualité en petites séries et possède un showroom ; ses équipes ont une solide connaissance du bois et des parquets mais sa notoriété ne dépasse pas le sud-est des Etats-Unis. On commence à discuter de la forme à donner au rapprochement : accord de distribution ou prise de participation ? Assez rapidement, c’est la seconde option qui l’emporte : Chêne de l’est entrera au capital de son homologue américaine.
Entre-temps, survient la pandémie de Covid-19 qui va compliquer les échanges. « Pendant presque un an, nous avons eu rendez-vous en visio presque une fois par semaine », se souvient Sébastien Bach. Les sujets ne manquent pas : produits, marques, structure juridique et bien sûr valorisation de la société des Mc Murry…Fiscalistes et juristes entrent en scène ; tous sont conseillés par le distributeur américain à l’origine de la rencontre entre les deux entreprises. Les juristes du cabinet Lemoine & Lefebvre LLP, sis à Atlanta, sont tous francophones. Une nécessité. « Il fallait comprendre nos demandes et les traduire en anglais avec justesse. Il fallait aussi nous aider à comprendre les subtilités juridiques locales », précise Sébastien Bach. En parallèle, la famille Bach monte son financement. Bpifrance leur donne un petit coup de pouce : Chêne de l’est est éligible à son « assurance prospection » à hauteur de 200K€. Il ne reste plus qu’à signer avec les Mc Murry. C’est chose faite en février 2021.
Cela fait plus d’un mois maintenant que Chêne de l’est a pris la majorité du capital d’Authentic Surfaces, le nouveau nom donné à la société Authentic Reclaimed Flooring. Zak Mc Murry conserve la direction de la nouvelle entité. « Le plus difficile dans une telle opération, ce n’est pas de trouver la bonne société à racheter. C’est de trouver la bonne personne pour la diriger », glisse Sébastien Bach. L’ancien patron est l’homme idéal ; il connait parfaitement la société et le marché américain. Grâce à ses nouveaux associés, il peut désormais proposer des parquets en chêne français, avec tanin s’il vous plait !, et s’appuyer sur le très large catalogue de finitions de Chêne de l’est pour gagner de nouveaux clients. La PME française, quant à elle, dispose maintenant de l’implantation qui lui manquait aux Etats-Unis. Bientôt, ses produits arriveront bruts ou en partie transformés à Atlanta. Dans tous les cas, Authentic Surfaces effectuera la dernière finition sur place, avant de les expédier aux quatre coins du pays. Une opération win-win comme aiment dire les Français.