Cet automne, quand vous commanderez un pumpkin pie latte ou un lavender latte au comptoir du coffee corner d’un Whole Foods Market, souvenez-vous que c’est un sirop de Maison Routin qui l’aromatise. Et ce depuis 2019, date à laquelle le spécialiste français de la fabrication de sirops premium depuis 138 ans, a remporté le contrat avec la chaine de distribution américaine. Décrocher ce gros compte-clé est la récompense d’un repositionnement stratégique pour la PME française (60 M€ avec 150 salariés) installée près de Chambéry. Un repositionnement qui touche tous les métiers du commercial à la communication en passant par la logistique et le marketing.
A parti de 2016, en effet, l’entreprise dont l’activité aux Etats-Unis végète depuis 20 ans, décide d’attaquer l’immense marché du foodservice afin d’élargir un portefeuille de clients presque exclusivement concentré sur le circuit des specialty coffees. Routin commence par recruter davantage de distributeurs afin de mieux couvrir le territoire américain, passant ainsi de 6 revendeurs en 2016 à près de 60 aujourd’hui. La marque, 1883, sous laquelle Maison Routin commercialise ses sirops, se fait ainsi un nom dans les États de Washington, de l’Orégon, de Floride ou du Montana, notamment, d’où elle était absente jusque-là. Cinq ans plus tard l’ensemble du pays est couvert ou presque. Seuls demeurent quelques « vides » au Nouveau-Mexique et en Louisiane, selon Flore Mollard, la VP Sales & Marketing de Routin America, la filiale US de Routin
Pour enfoncer le clou de sa présence commerciale outre-Atlantique, Routin America approche aussi directement de nombreuses chaines de distribution, avec l’intention de s’inviter dans leurs espaces restauration. Pari gagné ! En l’espace de 4 ans, des enseignes comme Whole Foods, Coffee Bean & Tea Leaf, Summer Moon Coffee (Texas) ou encore Dorothy Lane Market (Ohio) se convertissent aux sirops Made in France de la PME française. L’offensive en direction du foodservice ne signifie pas l’abandon des specialty coffees. Routin America dont le bureau ouvre en 2016 avec 3 personnes (il en emploiera 6 cette année), s’attache les services de Gourmet Source. Ce sales broker dont les forces de vente connaissent par cœur ce circuit va l’aider à creuser son sillon dans le pays.
En parallèle de ses actions commerciales, la filiale américaine s’active sur le terrain de la communication afin de se faire reconnaitre des professionnels : publicité dans les magazines spécialisés, campagnes d’échantillonnage, présence sur les salons… « Nos ventes, ici, aux Etats-Unis ont été multipliées par presque 3 en l’espace de 4 ans pour atteindre 5 M$ en 2020 », se félicite Flore Mollard. Autre satisfaction, en 2021, le portefeuille de clients est plus diversifié qu’en 2016. La filiale US dont les bureaux sont sur Park Avenue à New-York, réalise aujourd’hui grâce au foodservice 20% d’une activité en progression, contre quasiment zéro il y a moins de cinq ans.
Les actions commerciales n’expliquent pas seules l’accélération des ventes de Routin aux Etats-Unis. A partir de 2016, le spécialiste français des sirops produit d’importants efforts pour mieux comprendre les aspirations et les goûts des consommateurs américains. « Pour s’imposer ici, il est hyper important pour une marque de se claimer « all natural ». « C’est même un prérequis », renchérit Romain Delambre, le Directeur International de Maison Routin, actionnaire (1) de l’entreprise comme Flore Mollard, depuis une levée de fonds opérée en 2019. Les résultats de ces multiples initiatives sont au rendez-vous.. Mais attention car aux Etats-Unis, l’étiquette all natural n’est pas synonyme de bio en France ! Pour le consommateur américain, c’est la garantie que le produit qu’il achète ne contient ni arôme, ni additif, ni conservateur artificiels mais pas que ses ingrédients ont été produits selon les principes de l’agriculture biologique. Sur le sujet de la naturalité, Routin America affronte la concurrence avec sérénité grâce à sa recette franco-française. « Nos sirops qui sont toujours fabriqués en France, contiennent 12 à 15% de jus de fruits et de l’eau des Alpes. C’est un véritable atout quand les autres « gros » sirops aux Etats-Unis, fabriqués sur place, sont souvent sans jus de fruits. Car ici ce n’est pas obligatoire », apprécie Flore Mollard. Les efforts accomplis afin de développer des produits plus « naturels » pour les Etats-Unis profitent aussi à la France. « C’est le marché US qui “drive” la demande pour plus de naturalité ; les progrès réalisés profitent ensuite au marché français », décrypte la VP Sales & Marketing.
S’adapter aux attentes du marché américain, signifie aussi identifier et développer les parfums les plus pertinents, localement, pour la gamme des sirops. Impossible, par exemple, de s’imposer aux pays d’Halloween sans un sirop pumpkin spice par exemple. Cet automne, Maison Routin va lancer un nouveau pumkin pie « aux notes moins épicées », lui aussi prêt à aromatiser les coffee latte ! D’une manière générale, les arômes gourmands aux notes pâtissières plaisent beaucoup ici. Vanille, caramel, mais aussi cookies ou encore toasted marshmallows figurent parmi les blockbusters de 1883. En revanche, inutile de s’entêter ici sur la grenadine, pourtant l’une des locomotives des ventes dans l’Hexagone. Le marché des sirops est résolument différent dans les deux pays. Aux Etats-Unis, les ventes se concentrent dans le BtoB, chez les professionnels du foodservice et des specialty coffees – rares sont les consommateurs américains qui achètent un sirop en supermarché pour le boire à la maison – alors que c’est un produit principalement vendu en grande distribution de Lille à Marseille !
Le choix des parfums les plus pertinents pour le marché américain n’est pas seulement une affaire de marketing. Cela a aussi des implications logistiques pour l’entreprise. Le sujet du transport devient vite essentiel quand on fait fabriquer ses sirops à 7 600 km et qu’ « il faut compter un mois et demi entre la commande d’un client américain et la livraison sur notre entrepôt de Naperville, près de Chicago », indique Romain Delambre. Car avant 2016, Routin est pénalisé par des ruptures d’approvisionnement encore trop fréquentes. Là aussi, l’entreprise va trouver des solutions. La juste sélection de ses parfums prioritaires, parmi les quelque 130 de sa gamme, le calcul affiné de ses besoins de couverture de stock, ainsi que la décision de gérer, désormais, les commandes pour les Etats-Unis depuis les Etats-Unis explique que Routin America va améliorer son taux de ruptures sur ses 20-80.
Aujourd’hui que Maison Routin est bien installée sur le marché américain, l’ambitieuse PME française se verrait bien entrer dès cette année « dans un processus de M&A », comprendre merger and acquisition, de l’aveu même de son Directeur International. Les contours du projet sont plutôt clairs. « Nous cherchons à acquérir une entreprise locale qui réalise entre 5 et 20M$ de chiffre d’affaires dans la fabrication de smoothies, du purée de fruits, de sirops et de toppings. Idéalement, une société avec une marque et un outil industriel pour compléter ce que l’on a déjà (Routin commercialise aussi sa gamme de smoothies aux Etats-Unis) », détaille Romain Delambre. L’appel est lancé…