Payer son loyer, faire un plein de courses ou d’essence, financer la preschool des enfants, sortir au restaurant… À l’heure où l’inflation est mondiale, les expatriés français à New-York sont encore moins bien lotis que les autres : en 2022, New York arrive en tête des villes les plus chères au monde, à égalité avec Singapour, selon le dernier classement de The Economist. Une première, alors qu’elle n’était que 6e l’an dernier.
Dans le top 10 du classement, après New-York et Singapour (1ères ex aequo) viennent Tel-Aviv (3e), Hong-Kong (4e) et Los Angeles (4e, forte hausse après avoir été à la 9e place en 2021), Zurich (6e), Genève (7e), San Francisco (8e, un bond spectaculaire depuis la 24e place l’an dernier), Paris (9e), Copenhague (10e) et Sydney (10e).
L’étude, menée entre le 16 août et le 16 septembre, a observé l’évolution des prix de 200 biens et services dans 172 villes (à l’exception de Kiev). « En moyenne, les prix ont augmenté de 8,1% sur un an en monnaie locale. C’est le plus haut taux d’inflation enregistré depuis que ce classement existe il y a près de 20 ans », affirme l’Economist Intelligence Unit (EIU) qui a réalisé l’enquête. Une crise du coût de la vie mondiale causée notamment par la guerre en Ukraine et des restrictions dues au Covid-19 en Chine.
Thomas, 30 ans, vit depuis trois ans à Jersey City, tout près de New York, avec sa conjointe américaine. Il travaille à Manhattan dans la finance pour un grand groupe agroalimentaire. Sa compagne fait de la levée de fonds pour des ONG environnementales. L’inflation, ils la constatent tous les jours, notamment sur les prix de leurs restaurants favoris. « Les burgers, qui coûtaient 12 ou 13$, coûtent maintenant autour de 18$, remarque Thomas. Il y a trois ans, un filet mignon de huit onces, le plus petit, coûtait entre 40 et 45$. Maintenant, il faut compter 60$. » Les prix des billets d’avion pour rentrer en France ont eux aussi flambé. « Avant, on trouvait des aller-retour New-York Paris à 700$, maintenant, c’est plutôt 1000$ », constate le jeune homme.
Pour ces trentenaires sans enfants, la hausse des prix n’est toutefois pas synonyme de privations. « Nous sommes très chanceux. Ces dernières années, nos carrières se sont accélérées. Nous gagnons environ 300 000$ à deux, nous n’avons pas de problèmes de santé, ce qui nous permet d’avoir un train de vie confortable et de mettre de l’argent de côté », se réjouit Thomas. Le couple a toutefois choisi de ne pas vivre à Manhattan -« trop cher »- et se limite à une sortie en semaine et une le week-end. « Le prix des sorties à New York est exorbitant, insiste le jeune homme. Entre 25 et 30$ un cocktail sur un rooftop branché, 100$ pour un trajet de 25 minutes en Uber à minuit et même 800 ou 900$ pour une bouteille de vin en boîte de nuit. Alors on essaie de ne pas prendre de mauvaises habitudes. »
Grégoire, 42 ans, est arrivé à New York en juillet 2021 avec sa femme et leurs trois jeunes enfants. Il est Directeur financier dans un grand groupe américain tandis que son épouse, enseignante, ne travaille pas pour le moment. La famille a fait le choix de s’installer à Manhattan, près de son travail, malgré le coût élevé du logement. « Notre deuxième fille pouvait y entrer en pre-K à l’école publique où la scolarité est gratuite alors que dans le New Jersey, ça aurait été payant. Cela compense un peu le daycare privé de notre dernier enfant qui coûte très cher : 2500$ par mois », explique le père de famille.
Il observe qu’à New York, depuis leur arrivée, les prix ont augmenté. « Nous aimons beaucoup les sorties musicales, mais c’est très vite un budget important. Nous essayons d’aller dans des petites salles de concert où les prix restent corrects, mais parfois, on ne trouve pas de billets à moins de 200$. À cela il faut rajouter 100 ou 150$ de baby-sitter », détaille Grégoire.
Face à l’inflation, la famille, qui a puisé dans ses économies la première année de son expatriation et ne met pas d’argent de côté, essaie de « faire attention » sur certaines dépenses. « Cette année nous ne rentrerons pas en France pour les vacances de février, anticipe le Français. Et nous préférons attendre pour réserver pour partir quelque part aux États-Unis car ici les prix des hôtels sont juste dingues. » Alors que leur bail prend fin l’été prochain, s’éloigner de Manhattan pourrait être une option. Grégoire scrute les annonces immobilières. Et se projette déjà à Long Island, à 40 minutes en train.
Ces derniers mois, la vigueur du dollar par rapport aux autres monnaies – due notamment à la hausse des taux d’intérêt de la Réserve fédérale (Fed) – a contribué à faire monter les villes américaines dans le classement, celui-ci étant réalisé en convertissant les monnaies locales en dollars. Los Angeles et San Francisco arrivent respectivement à la 4e et 8e place. San Diego (17e), Boston (21e), Portland et Atlanta (46e), Charlotte et Indianapolis (53e). Boston et Portland figurent par ailleurs parmi les dix villes qui ont progressé le plus vite dans le classement en un an.
À l’inverse, les villes européennes redescendent dans le classement, alors que fin août, l’euro est passé sous la parité avec le dollar pour la première fois en 20 ans. Paris (9e) a perdu 4 places par rapport à l’année dernière, tandis que Lyon a reculé de 12 places, arrivant en 63e position. Selon les prédictions de l’EIU, l’inflation mondiale devrait toutefois ralentir à 6,5% en moyenne en 2023. Une bonne nouvelle pour finir l’année !