Ce ne sont pas les réactions qui manquent après l’entrée en vigueur de la loi sur le voile intégral lundi dernier en France. Au point que lecteurs américains ne doivent probablement plus savoir où donner de la tête.
Le New York Times d’abord, qui s’interroge : Pourquoi en faire toute une histoire alors qu’il n’y a qu’une minorité de femmes concernée ? « L’idéal français de république laïque » voudrait faire abstraction des appartenances religieuses ou ethniques, tente d’expliquer le quotidien. Il y aurait plusieurs raisons à l’instauration de cette législation : culturelle d’abord, avec notamment l’importance capitale du «regard » (en français dans le texte), mais aussi historique et politique. “La peur, le ressentiment, le rejet […] de l’Autre » seraient profondément enracinés, et côtoieraient des souvenirs encore vifs du colonialisme et d’une éventuelle « mission civilisatrice », notamment à l’extrême-droite.
Dans la rubrique courrier des lecteurs du quotidien, on trouve plusieurs les réactions virulentes à la nouvelle loi française : un « premier pas » vers l’intégration de femmes souvent à l’écart du reste de la société pour l’un, ou pour un autre, fervent défenseur du Premier Amendement, une atteinte à la « liberté de religion, de conscience et de pensée ».
Le Huffington Post publie quant à lui deux tribunes d’opinion sur la polémique : si une éditorialiste regrette que la couverture médiatique américaine ait failli à replacer cette loi dans son contexte et n’ait fait que renforcer les préjugés, un autre, pas avare de comparaisons historiques, condamne un « retour à l’époque médiévale » et taxe Sarkozy d’«homme de Néandertal». Il dénonce une manipulation des femmes, et affirme qu’« on ne doit pas les forcer à faire quelque chose contre leur volonté ». « Un changement culturel durable ne peut se faire que par le biais du libre arbitre, et non sous la contrainte », ajoute-il.
Du côté du Washington Examiner et de Forbes, ce n’est pas le même son de cloche : les autres pays européens devraient suivre l’exemple de la France, qui avec cette initiative « courageuse », pourrait enfin trouver une solution aux « problèmes d’intégration » et à l’échec du « multiculturalisme », lit-on notamment dans l’article de Forbes.
« La modestie n’est pas l’apanage de la France », peut-on lire dans le Christian Science Monitor. Mais le journal le reconnaît, pour une fois Paris n’a pas cherché à s’attribuer la victoire de l’arrestation de Gbagbo. Le président n’aurait en effet pas voulu « agiter l’épouvantail de l’impérialisme dans l’ancienne colonie française ». Une intervention militaire, motivée des « liens historiques », un « intérêt national », des considérations idéologiques, mais surtout politiques, qui semble pleinement justifiée pour le journaliste.
Un avis que partage aussi l’éditorialiste Roger Cohen dans le New York Times : il n’hésite d’ailleurs pas à affirmer que le président français pourrait légitimement prétendre à un second mandat…
Dans un autre article, le quotidien s’interroge aussi sur le récent interventionnisme militaire français en Libye et en Côte d’Ivoire. Cinquante ans après l’indépendance africaine, certains constatent un retour aux temps de l’ingérence française en Afrique, de la Françafrique qui a pourtant techniquement pris fin vers le milieu des années 90. Alors, doit-on y voir une nostalgie du colonialisme ou une « realpolitik pragmatique » ? Une chose est sure, si l’armée française, agissant sous mandat onusien, a indéniablement eu un rôle dans le dénouement de la situation ivoirienne, il s’avère délicat de faire abstraction du « passé colonial » de la Métropole…
À propos de l’intervention militaire française en Libye, le Los Angeles Times a d’ailleurs publié ce week-end une interview de trois pages de Bernard-Henri Levy. Ce cher BHL n’a décidément pas fini de faire parler de lui outre-Atlantique…
Enfin, une fois n’est pas coutume, l’opposition a aussi sa place dans les médias américains : les virages entrepris par le Parti Socialiste dans son projet pour l’élection présidentielle, adopté il y a dix jours, n’ont pas échappé au New York Times. Les socialistes, qui pour le quotidien ont toutes leurs chances pour 2012, y affirment notamment noir sur blanc leur volonté de réformer le libre-échange tel qu’il existe à l’heure actuelle. L’idée : « installer des barrières douanières aux frontières de l’UE » pour les pays qui ne respecteraient pas les normes sociales et environnementales (« droits syndicaux, travail des enfants, émissions de gaz à effet de serre »). Une proposition surtout liée à des enjeux de politiques intérieures, et qui viserait à «récupérer les voix des perdants de la mondialisation » qui se seraient reportées vers l’extrême-droite, analyse l’article. Mais ce retour au protectionnisme, s’il semble rejoindre les positions du Parti Démocrate américain, risque de ne pas être du goût de tout le monde, du directeur du FMI, loin d’être un grand protectionniste dans l’âme, à l’Union Européenne, nettement « dans le camp du libre-échange ».
(credit photo: SIPA/LE FLOCH)