De l’île de Noirmoutier à New York, il y a un océan et toute une vie à traverser. Clément Denis, originaire de Vendée, tente l’aventure en exposant pour la première fois aux États-Unis : il présente Innerworlds jusqu’au mardi 7 novembre à Chelsea, à la galerie Nicolas Auvray ouverte en mai dernier. Un rêve qui se réalise pour l’artiste de 32 ans. « Même avant de rentrer aux Beaux-Arts de Paris, je rêvais de ce moment où je pourrais présenter mon travail ici, se souvient-il. Ma peinture est davantage anglo-saxonne. J’étais attiré par l’idée de présenter mon rapport à la peinture à un public qui allait le comprendre plus aisément. J’ai toujours beaucoup plus exposé à l’extérieur de France. J’ai trouvé Paris très dure. New York aussi est dure, mais c’est une ville beaucoup plus ouverte, les gens sont naturellement intéressés par mon travail, je ressens beaucoup de gentillesse, l’accueil y est formidable. »
Il y rencontre déjà beaucoup de succès : formidablement mis en valeur par Nicolas Auvray, qui le représente aux États-Unis, il séduit les yeux et les esprits américains par sa mise en scène des couleurs et des corps. « Quand on voit Clément, on ressent tout de suite une émotion, confie le galeriste. Il a un style et une maîtrise technique forte, mais il a surtout quelque chose à dire. Ce qu’on voit là, c’est son monde à lui ». Nicolas Auvray ne cache pas son « coup de foudre » pour l’artiste. « Quand je l’ai rencontré, j’ai passé une journée entière à regarder ses œuvres. On a déjà vendu la moitié des œuvres présentées, dont certaines à des collectionneurs qui font partie des boards d’importants musées de New York. »
On y retrouve les thèmes de prédilection de l’artiste, des sujets qui lui sont chers soit parce-qu’ils l’ont touché personnellement, soit parce qu’ils sont inévitables à ses yeux. Il utilise beaucoup ses rêves. « Je vois la peinture comme quelque chose d’extrêmement noble et qui a le pouvoir de changer le monde, assume-t-il. Toutes mes œuvres sont liées à des expériences personnelles ou des réflexions autour de problèmes sociaux, et l’exposition est l’occasion de voir si ces questions parlent au public. »
Il a imagé la question des migrants, dans sa série « Winter is coming? » à travers des peintures feutrées, brumeuses. Il a investi le thème du changement climatique, à la faveur d’un cauchemar qui lui a fait réaliser la fragilité de nos territoires. Il a surtout mis en peinture son expérience personnelle, que l’on retrouve dans de très puissants tableaux qui mettent en scène des corps qui s’embrassent et qui s’enlacent. Il utilise une technique qu’il appelle le tressage : il peint deux scènes différentes qu’il découpe et réassemble. « Le tressage est une série importante de mon travail, dit-il. Il y a quelques années, ma compagne a souffert d’endométriose et a développé un cancer de l’utérus. Pendant cette période, j’ai été complètement bloqué dans mon travail. Quand elle a surmonté cette épreuve, j’ai voulu unir ces corps pour l’éternité. »
On découvre au fil de l’exposition un artiste qui maîtrise parfaitement son art. On apprend qu’il peint pour grande partie en utilisant ses seuls doigts. « Je m’autorise tout, et surtout beaucoup de liberté, explique-t-il. Plus jeune, un jour, j’ai voulu faire le malin avec un de mes profs et je lui ai dit que j’aimerais peindre avec mes doigts. Il m’a pris au mot et m’a dit : “fais-le, et on verra ce qui en sort !” J’ai mis les mains dedans et il s’est passé quelque chose. Un monde s’est ouvert. Le contact n’était plus du tout le même, c’était un peu comme serrer une main avec ou sans un gant ».
Les premiers contacts avec le public américain, extrêmement chaleureux, confortent Clément Denis dans l’idée que sa peinture est faite pour les États-Unis. L’artiste prévoit d’ailleurs de s’y installer à mi-temps, entre un appart qu’il louerait ici et la maison (une des anciennes demeures de… Claude Monet) où il habite à Vetheuil, dans le Val d’Oise. Un rêve qui ne fait que commencer.
INNERWORLDS, Journey of a Motionless Nomad, à la Nicolas Auvray Gallery, 522 West 23rd Street, NY. Jusqu’au 7 novembre.