Clément Chéroux quitte le Centre Pompidou pour le Pritzker Center du Musée d’Art moderne de San Francisco.
La prise de fonction ne sera officielle que début 2017, mais Clément Chéroux est venu en repérage, pour rencontrer son équipe et se familiariser avec son nouvel environnement. Après dix ans passés au Centre Pompidou en tant que conservateur puis chef de service, il succède à Sandra Phillips, à la tête du département Photographie du SFMOMA pendant près de trente ans. “C’est un challenge très excitant, à la fois par rapport à ce nouvel espace qu’offre le SFMOMA à la photographie, et aussi par rapport au dynamisme de la communauté des photographes, de galeristes et de collectioneurs de San Francisco”, s’enthousiasme-t-il.
Le Pritzker Center for Photography occupe le 3ème niveau du nouveau SFMOMA, sur près de 1.200 mètres-carrés; au centre Pompidou, la photo occupe six fois moins d’espace. Ses 17.000 oeuvres en font le plus grand fonds dédié à la photo aux Etats-Unis. “L’architecture a été très bien pensée, de la qualité de la lumière à la hauteur des cimaises, sans oublier la proportion des volumes”, note Clément Chéroux.
Historien de la photographie et diplômé de l’Ecole Nationale Supérieure de la Photographie d’Arles, Clément Chéroux aborde son art à la fois sur le plan académique et pratique: “J’ai enseigné pendant dix ans, puis je me suis dirigé vers les musées car j’avais envie d’organiser des expositions. En tant que photographe, je sais aussi combien il est compliqué de monter un projet artistique.”
Une photographie ouverte
La puissance de l’oeuvre photographique est au centre du travail de Clément Chéroux. “La photo est un art et un média qui a bouleversé la conception de l’art: du génie créateur, on est passé à un chef d’oeuvre réalisé en une fraction de seconde.”
Commissaire d’expositions sur Henri Cartier-Bresson, l’esthétique du photomaton ou encore les paparazzi, Clément Chéroux défend une approche de la photographie large et ouverte. “Je me sens aussi proche de la photographie historique que contemporaine, locale et globale, explique-t-il. Je veux offrir des programmes monographiques et thématiques, et surtout les plus oecuméniques possible. Mon photographe préféré, c’est la photographie elle-même: je peux m’enthousiasmer pour de grands noms comme Cartier-Bresson, Wolfgang Tillmans, un jeune artiste de 25 ans, ou un portraitiste de Bamako.”
Sa première rencontre marquante avec la photographie se déroule à 16 ans, dans un train: “Je voyageais entre Lyon et St Raphaël, quand on a annoncé au haut-parleur qu’une exposition photo se déroulait dans un des wagons. Par curiosité, je suis allé la voir: elle réunissait Pierre Molinier et Michel Journiac, deux artistes très transgressifs. Le premier était un grand voyeur, travesti adepte du sado-masochisme, le second proposait à son public de manger du boudin fait avec son propre sang. J’ai eu un électro-choc: je me suis rendu compte qu’il se passait quelque chose grâce à la photo, et à la rentrée, je me suis inscrit au club-photo.”
Très attaché à l’héritage de sa prédécesseure Sandra Phillips, le nouveau conservateur de la photographie a très envie de faire un livre sur la collection du SFMOMA, qui s’étend sur plus de 80 ans, les premières acquisitions de photos datant de 1935.
Sa première exposition fera également le lien entre son poste au Centre Pompidou et ses nouvelles fonctions: une rétrospective sur le photographe Walker Evans, connu surtout pour son travail sur la Grande Dépression des années 1930. Elle s’ouvrira à Paris en mai 2017, accrochée et vernie par Clément Chéroux, avant d’être présentée à San Francisco en octobre l’année prochaine.