Emmanuel Macron interrompant Donald Trump, sa main sur le bras de son homologue américain, avait déjà fait son petit effet le mois dernier aux États-Unis. Dans la sidération générale provoquée par le retour fracassant de Donald Trump à la Maison Blanche, l’audace du chef de l’État français, qui corrigeait son hôte sur la nature de l’aide européenne à l’Ukraine, avait fait mouche. Mais huit jours plus tard, Claude Malhuret a suscité un véritable buzz outre-Atlantique, par un discours prononcé non pas à la Maison Blanche mais au Palais du Luxembourg, destiné non pas aux Américains mais aux Français.
En huit minutes de critique au vitriol de l’actuelle administration américaine, le sénateur indépendant de l’Allier s’est fait un nom au sein des anti et Never Trump. « Washington est devenu la cour de Néron, un empereur incendiaire, des courtisans soumis, déclarait-il le 4 mars à la tribune du Sénat, n’épargnant pas Elon Musk, un « bouffon sous kétamine chargé de l’épuration de la fonction publique » – allusion à la consommation de psychotrope que le patron de Space X, Tesla et X a admis utiliser pour l’aider à sortir de moments « dépressifs » et « d’état d’esprit négatif ».
Si le discours a peu fait réagir l’hémicycle parsemé de la chambre haute à Paris, il est devenu rapidement viral aux États-Unis. CNN l’a aussitôt partagé sur ses réseaux (des centaines de milliers de likes sur YouTube et TikTok de la chaîne), les opposants de Donald Trump l’ont reposté frénétiquement. The Atlantic et le HuffPost l’ont traduit et publié dans son intégralité, quand d’autres médias évoquaient la cruauté de Néron pour mieux accentuer celle du président américain, l’empereur romain qui a « assassiné sa mère et sa femme » rappelait Forbes et qui a fini par « se suicider après avoir été déclaré ennemi public par le sénat » concluait le Daily Beast.
Les Américains, peu habitués à entendre un élu d’un pays allié s’immiscer dans leurs affaires intérieures, ont vu dans la saillie de Claude Malhuret une analyse lucide du début du second mandat de Donald Trump -du moins en ce qui concerne ceux qui s’opposent à l’actuel président. Une bouffée d’air bienvenue dans l’atmosphère viciée de Washington, voire un « exutoire » comme l’ont souligné de nombreux médias étrangers. « Brillant speech », « Thank you », « Vive la France ! » peut-on lire parmi les milliers de commentaires laissés par les internautes américains.
Ce n’est pourtant pas la première fois que Donald Trump se voit comparé à Néron. Il y a cinq ans quasiment jour pour jour, alors qu’il revenait de son golf de Mar-a-Lago en pleine explosion des cas de Covid aux États-Unis, le 45ᵉ président repostait un meme sur Twitter, un montage photo le représentant, menton posé sur un violon, archer à la main et air serein, avec son commentaire : « Qui sait ce que ça signifie, mais je trouve que c’est une bonne chose ! ». Ignorait-il alors ou feignait-il d’ignorer qu’il s’agissait de l’empereur romain, entré dans la légende pour avoir prétendument joué du violon (ou de la lyre) pendant que la ville brûlait ?