Direction City of Industry. Une bourgade qui porte bien son nom à 20 miles à l’est du centre de L.A. C’est là qu’est le dernier “drive-in” du comté de Los Angeles. On se gare sur l’immense parking à la surface ondulée afin d’incliner les voitures, devant l’un des quatre écrans qui diffusent chaque soir deux films (pour le même prix !). « Qu’il vente ou qu’il pleuve, il y a toujours des fanatiques ici. Le samedi soir, c’est quasi plein à craquer », raconte Juan Gonzales, responsable de ce lieu historique (à l’échelle locale) ouvert en 1955. Au total, 1500 voitures peuvent s’y glisser. Et ce n’est pas loin d’être le cas le week-end, car en période de récession, le cinéma est un loisir peu onéreux pour les familles. Dans ce drive-in, les enfants entre 5 et 8 ans paient un dollar seulement, c’est gratuit pour les plus jeunes et 8 dollars pour les autres. « Les comédies, surtout pour enfants telle la série des Shrek, ont beaucoup de succès », poursuit Gonzales.
Surfant sur la vague d’un pouvoir d’achat en berne, le drive-in renaît de ses cendres. Ainsi, dans la banlieue de Santa Barbara, le drive-in de Goleta a rebranché le projecteur de son unique écran cet été. Cela faisait 19 ans qu’il était inactif. « On a été surpris par le succès d’une projection exceptionnelle lors d’une opération caritative, ensuite les habitants se sont mobilisés, cela nous a convaincus de le ré-ouvrir », explique Tony Maniscalco, vice-président chargé du marketing de la chaîne West Wind. Basée au nord de San Francisco, celle-ci opère neuf drive-in dans trois Etats de l’Ouest (Californie, Arizona, Nevada). « Quand l’économie est mauvaise, ça nous est favorable ; la fréquentation de nos cinémas a grimpé de 70% en trois ans. » La société, qui gère aussi des marchés sur l’espace des drive-in, s’est donc lancée le défi de laisser le cinéma ouvert cet hiver, malgré un climat moins propice.
Alors qu’il en existait des centaines par le passé, on dénombre aujourd’hui une petite vingtaine de drive-in en activité en Californie. Essentiellement dans des zones modestes, et ce pour deux raisons. « C’est une activité de classe moyenne », souligne Maniscalco au vu de la prospérité du drive-in de Concord, en banlieue de San Francisco. Et parce que les prix de l’immobilier n’y sont pas encore assez élevés pour condamner les drive-in. « On est assis sur une mine d’or », note Juan Gonzales, « avec cette surface, pas étonnant que la plupart des drive-in aient été revendus ou soient loués à des entreprises qui construisent par-dessus des magasins ». Le Home Depot de Whittier, par exemple, a été planté sur un ancien drive-in, dont le groupe Pacific Theater, propriétaire du terrain, continue de tirer les fruits via le loyer. En ces temps de crise immobilière, Gonzales se fait donc moins de souci, mais « on ne sait pas de quoi demain est fait », dit-il inquiet. Car face à la mode de la 3D, les drive-in ne sont pas – ou pas encore – équipés.