Dans un monde où la manipulation de l’opinion publique via des images trafiquées bat son plein et où les fakes font des ravages, une initiative éducative inédite voit le jour. « Chroniques alternatives », c’est la toute première édition d’un concours international à destination des établissements français. L’objectif : utiliser des outils d’intelligence artificielle pour créer des illustrations explorant des réalités alternatives de l’histoire.
« Et si Cléopâtre avait été à la tête de Rome ? Et si les femmes avaient pris le pouvoir, etc. » Des exemples que Fabien Lombard, le principal du collège de l’École Bilingue de Berkeley en Californie aux États-Unis, à l’initiative de ce concours avec Paul Feron, professeur d’histoire-géographie du lycée François Raynouard du Var en France, cite pour éclairer le concept. Et d’ajouter : « L’intelligence artificielle bouleverse l’éducation et nous savons que les élèves utilisent ces outils. Ils sont là pour rester ! Alors plutôt que de lutter, nous avons réfléchi à une manière ludique de leur apprendre à les manipuler, de les entraîner à les questionner, à s’en emparer, à jouer avec… »
Développer son sens critique
Fabien Lombard et Paul Héron, bénéficiant tout deux d’un parcours en histoire et étant particulièrement sensibilisés à l’éducation aux médias, ont choisi l’uchronie comme support de travail. Il s’agit de réécrire une histoire refaite logiquement telle qu’elle aurait pu être. À ce propos, le principal du collège de l’École Bilingue de Berkeley rappelle que « l’idée présentée doit pouvoir être envisageable et l’image créée, rester plausible ».
Du côté des thématiques, pas de thème imposé pour les lycéens. En revanche, les collégiens plancheront sur les inventions. Dans les deux cas, « les recherches exigent de la documentation préalable et de la méthodologie. Autant de procédés qui permettent aux élèves de questionner le vrai du faux et de développer leur sens critique » précise Fabien Lombard.
Les participants soumettront ensuite un document A4 (une à deux pages) illustrant leur évolution alternative de l’histoire. Devront y apparaître : une image générée par l’intelligence artificielle (via Canva ou Dall-E, deux outils gratuits recommandés par les organisateurs), un titre, et un texte d’accompagnement. Sachant que chaque établissement impliqué pourra proposer cinq œuvres au maximum.
Jury à la pointe et lots technologiques
« Nous avons lancé l’idée fin janvier et depuis, elle suscite beaucoup d’engagement et d’intérêt » explique Fabien Lombard. Près de 400 élèves, issus de cinq collèges et cinq lycées répartis aux États-Unis, au Canada, en France et en Grèce, sont en effet déjà inscrits. Un chiffre qui devrait augmenter d’ici la fermeture des inscriptions fin avril 2024.
Le principal précise que le concours est ouvert à tous car « leur volonté, c’est aussi de démocratiser l’utilisation de l’IA et de confronter les points de vue, les sensibilités. » Les soutiens, à l’instar du Consulat Général de France à San Francisco ou du Consulat Général des États-Unis en France, se multiplient également pour faire de cette première édition un succès.
À la clé ? La reconnaissance d’un jury international composé d’une dizaine de spécialistes de l’IA. Parrainé par Raphaël Doan, auteur du livre « Si Rome n’avait pas chuté » (éditions Passés / Composés, cf. photo de Une), le jury compte également des journalistes, un réalisateur de documentaire, un développeur de jeu vidéo, etc. Des lots, notamment des ordinateurs portables, récompenseront en outre trois créations : la meilleure création dans la catégorie lycée, dans la catégorie collège et le coup de cœur du jury. Les résultats seront dévoilés le 1er juin 2024, et les lauréats ainsi que leurs professeurs seront invités à siéger au jury de l’édition 2025. Un concours qui espère donc se pérenniser et pourquoi pas « se décliner dans les classes » comme le suggère Fabien Lombard.
Publié le 4 mars 2024. Mis à jour le 21 avril 2024