Christophe Clément répète depuis 28 ans le même trajet à pied dans les hippodromes américains. Celui qui sépare le paddock de la piste, sur lequel il accompagne ses chevaux et ses jockeys avant chaque course. “Je suis très chanceux, je viens de passer la barre des 1900 victoires dans ma carrière et mes chevaux ont cumulé plus de 140 millions de dollars de gains”, explique fièrement l’entraîneur français. Cerise sur le gâteau, l’homme de 54 ans est nominé cette année au rang des meilleurs entraîneurs des Etats-Unis par le prestigieux Hall of Fame de Saratoga, l’équivalent des Oscars hippiques.
A l’inverse de son frère aîné Nicolas, Christophe Clément n’a pas suivi la voie tracée par son père, qui fut un grand entraîneur de courses à Chantilly dans les années 1950 et 1960. Christophe Clément préfère quitter en 1986 -il a alors 21 ans- un pays qu’il considère “trop petit pour deux frères“.
Il débute sa carrière en Angleterre où il est pendant quatre ans l’assistant de l’un des cracks de la discipline, l’Italien Luca Cumani. Il quitte ensuite le nord de Londres pour les Etats-Unis où il passe sa licence d’entraîneur en 1991. “J’ai commencé avec seulement trois clients”, se souvient le Français qui s’occupe des chevaux de la famille princière de Dubaï et ceux de Paul de Moussac, un éleveur français réputé. “J’ai eu la chance d’avoir une super pouliche, “Passagère du soir”, avec qui j’ai rapidement gagné ma première grande course. Le succès a ensuite engendré le succès”.
Vingt-huit ans plus tard, Christophe Clément explique avoir “la même vie qu’à mes débuts”. Il passe huit mois de l’année à l’hippodrome de Belmont Stakes dans l’Etat de New York où des box lui sont mis à disposition. Pendant l’hiver, il fait courir ses équidés sur un champ de course privé à Payson Park en Floride. L’entraineur français ne travaille “qu’avec des Quarter horse et des Pur-sang anglais”, des races réputées pour leur agilité et leur vélocité, qu’il accueille dès l’âge de deux ans “pour ceux qui sont élevés en Amérique et à quatre ou cinq ans pour les chevaux déjà élevés en Europe”.
Son métier? “Un mélange de préparation physique et mentale. Ce sont des races fragiles qu’il faut nourrir le plus sainement possible. On leur fait faire des exercices physiques le matin des courses et courir sur des distances plus faibles pour les préparer et les conditionner à l’événement”, décrit Christophe Clément. Le quinquagénaire a également la responsabilité du choix du jockey. Il travaille notamment avec un autre Français, Flavien Prat, 26 ans, vainqueur en mai de la prestigieuse course du Kentucky Derby.
Christophe Clément répète non sans ironie “avoir eu beaucoup de chance” dans sa carrière, mais sa réussite semble surtout liée à un carnet d’adresses qu’il a su développer et entretenir au fil des années. “Je travaille avec des clients fantastiques”, concède-t-il. Parmi eux la reine d’Angleterre, Édouard de Rothschild (président de France Galop, la société qui organise les courses en France), et l’Américaine Jessica Steinbrenner dont la famille est propriétaire des New York Yankees.
Dans son métier, Christophe Clément apprécie “passer du temps avec des gens “successful” dans leur univers, intellectuellement intéressants et humainement passionnants”. Ne comptez par sur lui pour rentrer en France un jour, un pays “idéal pour partir en vacances”, mais “pas pour travailler”. L’entraîneur se sent heureux aux Etats-Unis, “où les rapports sont plus sains, et où la réussite se partage mieux qu’en France”.