Si vous prenez le métro à New York, vous avez sûrement remarqué que certaines lignes sont désignées par des lettres et d’autres par des chiffres. Une originalité qui en a déjà dérouté plus d’un (usager, pas métro). Pourquoi le réseau des transports en commun a-t-il décidé de jouer à “Des chiffres et des lettres” ? C’est la question bête de la semaine.
Pour répondre à cette question, Clifton Hood, professeur d’Histoire à Hobart and William Smith Colleges à Geneva (New York) et auteur du livre 722 Miles: The Building of the Subways and How They Transformed New York City nous fait remonter un peu dans l’Histoire, à l’année 1860 plus précisément. « À l’époque, la ville de New York est complètement congestionnée, les rues sont bondées et les ferries qui relient les différentes îles sont plein à ras bord. L’administration de la ville a donc décidé de moderniser son réseau en s’appuyant sur un système de transport souterrain : le fameux subway ».
Le transport métropolitain existait déjà à Londres, à Paris, à Budapest ou encore à Athènes, mais aucune ligne n’avait encore été ouverte sur le continent américain. « La ville de New York ne voulait pas s’engager seule dans ce projet. Elle avait peur d’être accusée de mener une politique trop socialiste si elle se lançait dans ce programme de construction d’un nouveau réseau de transports en commun. L’administration a donc préféré opter pour un partenariat public/privé » explique l’historien.
Le projet a cependant eu du mal à attirer les investisseurs. Les compagnies privées ne voulaient pas s’engager dans un chantier aussi onéreux sans garantie de rentabilité. La ville de New York doit alors faire des concessions, elle finança elle même la construction des lignes, mais confia à l’Interborough Rapid Transit Company (IRTC) la gestion du réseau. La première ligne vit le jour en 1904. En parallèle, la Brooklyn Rapid Transit Company (elle sera ensuite rebaptisée Brooklyn-Manhattan Transit Corporation) qui avait déjà un réseau de train aérien à Brooklyn décida d’enterrer une partie de ses lignes dès 1908.
Deux compagnies se partageaient donc le marché du transport souterrain à New York. La IRTC baptisa ses lignes avec des lettres tandis que la BMT avec des chiffres.
Pour compliquer encore plus le système, un troisième acteur entra lui aussi dans la course. La ville de New York décida, en 1920, de lancer sa propre compagnie de transport souterrain : l’Independent Subway System (IND) et nomme, elle aussi, ses lignes avec des lettres. On arrive donc à trois compagnies se partageant le marché et utilisant deux nomenclatures différentes.
« L’administration décida finalement d’unifier le réseau de transport à New York et racheta petit à petit les compagnies concurrentes. En 1940, l’IND devint la seule et unique entreprise de transport souterrain à New York » continue l’historien.
On peut se demander alors pourquoi ne pas avoir décidé d’unifier, aussi, le nom des lignes. Pour cette question aussi, Clifton Hood a la réponse: « Les rails des lignes chiffrées sont plus étroits que ceux des lignes lettrées, les trains peuvent donc uniquement rouler sur l’un ou l’autre système. C’est pour les distinguer qu’on continue à utiliser deux nomenclatures différentes ». Il y a donc encore officieusement deux systèmes de métro qui cohabitent à New York.