Le va-et-vient des bateaux, l’immensité de la baie vitrée: il règne comme un souffle de Hong Kong à Perry St, le sobre restaurant de Jean-Georges Vongerichten au bord de l’Hudson. Il vient seulement de ré-ouvrir après la montée des eaux dévastatrice causée par l’ouragan Sandy.
Aux commandes des fourneaux, un autre Vongerichten : Cédric, le fils (ci-dessus). « Une vague d’un mètre quatre-vingt d’eau sablonneuse en cuisine. Il nous aura fallu quatre mois ».
New York peut se targuer d’avoir révélé Jean-Georges. En sera-t-il de même pour Cédric ? Rappelez-vous, en 1986, fraîchement débarqué d’Asie, le père, Alsacien, s’installe aux commandes du Lafayette dans le Drake Hôtel, avant d’ouvrir JoJo et Vong. Aujourd’hui, d’étoiles en macarons, “JG” comme l’appellent ses amis, distille ses essences raffinées dans plus d’une vingtaine de restaurants de par le monde. Cédric l’a rejoint comme chef exécutif à Perry St en août 2009. Une dynastie qui se construit ? « Pas du tout ! » s’indigne Vongerichten junior. «Mon père n’était pas content quand il a appris que je voulais devenir cuisinier. Et au début j’utilisais le nom de famille de ma mère. »
Né à Bangkok alors que Jean-Georges s’imprégnait de citronnelle et de lait de coco à l’Oriental, Cédric a vécu une grande partie de son enfance dans les hôtels où travaillait son père. « A peine déposé mon cartable, je filais en cuisine. »
De retour en France avec sa mère, ce sera l’Ecole Escoffier à Cagnes, les stages. Le gamin apprend à travailler. Il pèle les carottes, découpe la viande, observe. Enfin, en 2001, “JG” le recrute pour l’ouverture de Dune à Nassau.
« Je découvre des avocats de la taille d’un ballon de rugby, les mangues. » Et le boulot, « JG style ». « Pas de jour de congé le premier mois ». Mais le vrai choc viendra plus tard, à Hong Kong justement, où Cédric Vongerichten débarque pour un stage au Mandarin.
« J’arrive très fier avec mes six couteaux et l’équipe chinoise éclate de rire! En forme de couperet, le couteau chinois sert à tout. Je m’y suis mis. » La première semaine, il ne peut que regarder, il repart à zéro.
Retour à New York et enfin formé ? « Maintenant tu peux aller à l’école », répond Papa. Et Cédric remballe ses couteaux pour le prestigieux CIA (Culinary Institute of America). Il lui faudra encore des années pour que JG le sente « prêt à s’exprimer. »
Alors qu’a-t-il à dire ce grand gaillard de 31 ans, si sérieux? Beaucoup de choses : Sashimi de coquilles St. Jacques, pétales marins, raviolis de crabe, finesse de l’enveloppe souvenir de Chine, Burrata crémeuse faite main, homard parfaitement poché sur bouillon de coriandre à faire pâlir JG, Côtelettes d’agneau au concassé d’olives qui rappelle Sisteron… Cédric Vongerichten met de la mimolette dans son velouté de courge butternut. « J’adore le fromage et les couleurs vont si bien ensemble. » Un poulet frit? « Pour s’amuser, dit-il. C’est le « fried chicken » à la Perry. » Alors, cuisine du monde ? Hong Kong ou New York? Le visage de Cédric s’éclaire, « mon menu, c’est ce que j’aime. »
Crédit: Jean-Georges et Cédric: Reprinted from Home Cooking with Jean-Georges by Jean-Georges Vongerichten. Copyright © 2011. Published by Clarkson Potter, a division of Random House, Inc