L’endroit n’a pas beaucoup changé en 35 ans. « J’ai toujours pensé que les qualités centrales d’un restaurant était la continuité et la constance » confie Pascal Regimbeau, l’un des trois fondateurs du restaurant Chez Nous à Austin.
Ouvert en 1982 et installé au coin de la fameuse 6eme rue, l’établissement est un pilier de la présence française dans la ville. La décoration est clairement inspirée du vieux Paris, presque carte postale, mais c’est ce qui semble avoir fait son succès au travers des époques.
Car les institutions se créent dans le temps. « Cela va à l’encontre de notre société qui bouge tous le temps. Mais pour moi la beauté est de perdurer et de proposer tous les jours quelque chose avec humilité. » Et 35 ans, cela représente une sacrée réussite, en particulier dans un secteur qui subit fortement les effets de mode et au cœur d’une ville qui a tellement changé. Le chef est le même depuis 20 ans et l’équipe actuelle est là depuis plus de 15 ans. Mais Chez Nous a aussi su être précurseur « On a été le premier établissement de la ville à proposer un menu à prix fixe. »
L’histoire commence en 1979. Alors qu’ils voyagent dans le sud des Etats-Unis, Pascal Regimbeau, sa femme Sybil Reinhart-Regimbeau et leur associé Robert Paprota, tous les trois âgés de 24 ans, tombent sous le charme d’Austin. Ils ont un peu d’expérience en matière de restauration mais surtout des rêves plein la tête. « On n’a pas fait d’étude de marché mais je savais qu’on pouvait s’installer quelque part et vendre de la nourriture française de bonne qualité, à un bon prix, et que cela marcherait certainement. On a une approche un peu vieux hippie du business. On joue la carte du cœur en proposant un endroit où les gens vont être bien et ça a très bien fonctionné dans cette ville où la qualité de vie et les relations humaines sont importantes.»
Il a fallu cependant combattre les clichés pour faire changer les mentalités sur les restaurants français « Les gens en avaient une image très sérieuse en raison des chefs qui étaient venus dans les années 50. On a su leur montrer qu’un restaurant français pouvait être décontracté et pas forcément un resto de maîtres. » Chez Nous, qui sert entre 70 et 150 couverts jours, a toujours bénéficié d’un très bon bouche à oreille et possède maintenant une large clientèle d’habitués.
Si le restaurant n’a pas beaucoup changé, on ne peut pas en dire autant de la ville. « Ça n’avait rien à voir. Quand on s’est installé, c’était fabuleux. On avait le sentiment d’être des pionniers dans une ville pas encore découverte. On aimait la musique, l’ambiance très jeune. Et tout était très sauvage. Absolument pas construit. C’était la cambrousse. D’ailleurs personne ne comprenait pourquoi on s’est installé là mais on avait le sentiment de vivre dans un milieu que peu de gens en dehors de nous connaissaient. Aujourd’hui, tout le monde connait.»
Et même si l’on sent chez Pascal Regimbeau un soupçon de nostalgie, il ne s’en plaint pas. « Ça serait mal venu de ma part. Ça a été très positif pour l’économie locale et pour la nôtre ». L’installation des compagnies hi-tech depuis le début des années 2000 lui a amené une nouvelle clientèle plus sophistiquée et internationale. « On a aussi bénéficié de l’intérêt soudain des Américains pour la cuisine. Après l’émission Top Chef, tout d’un coup, tout le monde était devenu un foodie.»
Mais sa plus grande fierté reste d’avoir constitué une équipe fidèle à laquelle il a pu passer la main et dont certains ont donné naissance à d’autres restaurants de la ville comme Justine. « J’ai beaucoup de gratitude envers tous ceux qui ont participé à cette aventure et pour l’accueil que l’on a reçu de cette ville.»