Le four chauffe en continu dans la cuisine d’un petit appartement de Chelsea.
Sur le plan de travail, trois jeunes filles fignolent leurs salades composées. Sur le toit, des petits groupes s’affairent autour des deux barbecues installés par les organisateurs. Au menu : pas de hot dog, mais des figues grillées au fromage de chèvre, des tacos au radis ou autre raviolis au fromage et aux airelles.
Ce mercredi soir, une cinquantaine de personnes n’ont qu’un sujet à la bouche : la cuisine. Tous participent à l’expérience Chaos Cooking. Un concept alléchant lancé fin 2009 par Joe Che, un Brooklynite touche-à-tout. « Je voulais réunir une vingtaine d’amis chez moi pour mon anniversaire. J’ai demandé à chacun d’apporter des ingrédients pour que l’on cuisine tous ensemble, en même temps. J’ai cru que ça allait être de la folie. Au final, ça a très bien fonctionné et créé une ambiance extraordinaire. »
En trois ans, Joe Che fonde le site internet et développe le concept, avec un peu plus de monde à chaque repas. Aujourd’hui, la communauté se réunit en moyenne deux fois par mois, dans l’appartement de participants volontaires ou sur leur toit. L’événement rassemble en moyenne quinze à trente cuisiniers amateurs. « Le plus gros s’est tenu en juillet dernier, 120 personnes sur un rooftop de Brooklyn, six barbecues, et une superbe vue sur la skyline de Manhattan, se souvient Joe Che. L’intérêt est de créer du lien social, contrairement à de nombreux réseaux sociaux qui n’encouragent pas l’interaction en face à face ».
Les participants ont en majorité 25-30 ans. Ici, il est facile d’échanger avec son voisin. « Tout le monde a quelque chose à faire, donc il n’y a pas de malaise. Quand tu as fini de cuisiner, tu vas à la rencontre des autres en leur proposant de goûter. Chaque plat a une histoire, ça rappelle parfois des souvenirs, comme des souvenirs d’enfance, qui mènent à des discussions plus profondes ».
Cette interactivité a convaincu Jack de Stefano, à la recherche de cours de cuisine à New York, de participer. Pour les rencontres, mais aussi pour le challenge. « J’adore expérimenter de nouvelles recettes », glisse l’agent immobilier. Ce soir, il tente des sashimi de thon avec une purée de haricots blancs et de concombres aux herbes. Une première. « D’habitude je cuisine pour mon petit groupe d’amis. A Chaos Cooking, plein de gens que je ne connais pas me disent ce qu’ils pensent de mon plat, me donnent des conseils pour l’améliorer », apprécie le Philadelphien. « Pour l’instant, je n’ai eu que des compliments, bien que quelqu’un m’ait volé mon citron », sourit-il.
Parmi les cuisiniers, beaucoup d’Américains, mais aussi des expatriés et des touristes. Marie Dehaene est architecte paysagiste à la Mairie de Paris. Pour la jolie brune de passage à New York, Chaos Cooking permet de s’imprégner de la culture américaine : « Les Américains ont une vraie culture du barbecue, bien plus développée qu’en France. Ils sont très forts avec le bacon, et utilisent des aliments qu’on connait peu, comme les patates douces, raconte la jeune parisienne. C’est aussi un bon moyen de manger dehors et de tester de la nourriture pour pas trop cher », poursuit Marie Dehaene. L’événement est gratuit. Il faut compter environ 15 $ pour acheter les ingrédients et une bouteille de vin, ou autre boisson festive.
Pas besoin d’être un as aux fourneaux pour participer, ni même d’habiter la Grosse Pomme. Le concept new-yorkais s’exporte. « Des gens organisent leurs propres Chaos Cooking, à Boston, en Californie… Cet été, ils étaient 300 en Caroline du Sud », s’enthousiasme Joe Che.