Le débit est rapide, le verbe précis et percutant: après deux ans de tournée, et bientôt une adaptation au cinéma avec Karin Viard, Andréa Bescond parle de sa pièce “Les Chatouilles” avec la même passion que lorsqu’elle a commencé à coucher un récit, largement autobiographique, sur papier.
“Les Chatouilles”, qu’elle présentera le vendredi 6 avril au TLF, raconte l’histoire d’Odette, une enfant violée par Gilbert, un ami de la famille. Andréa Bescond y mêle son jeu d’actrice et ses talents de danseuse, car “lorsque les choses deviennent trop compliquées à dire, la danse permet de continuer à parler“.
Andréa Bescond est seule en scène, interprétant plus de 20 personnages. Elle est tout d’abord Odette, le personnage principal dont le prénom est une référence au cygne blanc du “Lac des Cygnes”: un personnage très ambivalent, qui trouvera son salut dans la danse. Elle incarne aussi les parents d’Odette, son agresseur, son meilleur ami Manu, le “chouchou” de l’interprète, car “c’est le seul qui balance à Odette qu’elle doit se concentrer sur le présent et l’avenir, et que Fuck le passé!”
“J’ai commencé à écrire en 2012, après la naissance de mon deuxième enfant. Avec mon metteur en scène, Eric Métayer, nous avons présenté la pièce au festival d’Avignon en 2014, pendant lequel elle a vraiment explosé.” Les spectateurs étaient, au départ, plutôt timorés: “Personne ne voulait voir un spectacle qui parle d’un sujet pareil: les violences sexuelles faites aux enfants, ça rebute. Mais le bouche-à-oreille a très bien fonctionné et les spectateurs sont venus.”
Un spectacle vivant plutôt qu’un témoignage
Molière de la meilleure Seule en scène en 2016 pour cette pièce, Andréa Bescond insiste sur le message positif et plein d’espoir des “Chatouilles”: “On ne rit pas de la pédophilie, ce n’est pas un sujet dont on peut rire, mais on rit des situations cocasses dans lesquelles se retrouvent les personnages. Certains sont très attachants, comme la prof de danse du sud de la France“, plaisante-t-elle en prenant l’accent de Marseille.
Selon elle, ces caricatures de personnages donnent aux spectateurs l’espace nécessaire pour respirer dans cette atmosphère souvent pesante. “On rit fort, puis un silence pesant s’abat sur la salle. Je suis un peu cruelle, car quand les gens rient, je me réjouis intérieurement de la honte et du malaise qui vont les saisir à la prochaine réplique.”
A travers l’histoire d’Odette, Andréa Bescond veut démontrer qu’avec beaucoup de volonté et d’amour, on peut se remettre d’un traumatisme. Au fil des années et des représentations, le spectacle et son interprète ont beaucoup évolué. “Je suis apaisée, j’ai moins de colère, grâce à tous les retours que j’ai reçus: on se croit seul au monde, et puis on se rend compte qu’on ne l’est pas du tout, confie Andréa Bescond. Après les addictions, le manque affectif et les pulsions de mort, je peux maintenant me dire que je suis quelqu’un de bien.“