Devinette : comment, en tant qu’auteur-compositeur-interprète français, se retrouve-t-on en tournée du Texas et en Louisiane en passant par l’Oklahoma, le Kansas, le Missouri et le Tennessee, avec un bassiste et un batteur américains, mais aussi une chanteuse anglaise ?
Réponse : en jouant du kantele, une harpe finlandaise à 38 cordes ! Cet ingrédient nordique rend l’assemblage Château Nowhere encore plus cosmopolite et décalé. Mais c’est bien autour de cet instrument que le Francilien Philippe Beer-Gabel a construit la formation.
La musique est universelle
« Je suis tombé amoureux du kantele en écoutant des morceaux composés par [l’Estonien] Arvo Pärt, au point de partir en formation en Finlande en 2007 et d’imaginer de l’intégrer dans des compositions pop-rock », raconte le musicien, qui vit à Austin une partie de l’année.
Pour lui, l’instrument finlandais permet de se consacrer sur l’essentiel : l’émotion véhiculée par la musique. « J’aime créer des sons, mais je considère qu’on n’a pas besoin de nouveauté en la matière : nous sommes saturés de chansons à longueur de journée. Et la musique constitue un important repère social, ce qui fait qu’on préfère souvent écouter un morceau qui a quarante ans plutôt qu’une composition récente. Ce qui est atemporel, c’est la réaction que suscite un morceau, quels que soient la culture, le paysage, la langue… Du fait de la tension dans les cordes, le son du kantele dure très longtemps. C’est pourquoi il est toujours lié à des rituels religieux et que j’ai une grande foi dans la capacité de cet instrument à créer l’émotion ».
Philippe Beer-Gabel le confirme : il est pourtant « le seul à vouloir populariser le kantele ». C’est d’ailleurs ce qui lui a permis d’obtenir la confiance du fabricant Koistinen, qui lui prête un instrument depuis deux ans. Après avoir appris à jouer de la guitare seul, parce qu’il s’ennuyait chez ses parents en région parisienne, puis découvert les pays nordiques qui le faisaient rêver depuis l’enfance, le trentenaire veut que « le kantele soit central dans sa musique » et qu’il constitue « le fil rouge entre ses différents projets » : le groupe indie rock parisien General Bye Bye, la formation pop-rock austinite Cache Cache et le dernier né, de la rencontre d’Américaines à Paris, Feather Feather. Château Nowhere est une combinaison de Cache Cache et Feather Feather. « Le but, c’est de pouvoir jouer seul ou à douze, selon le contexte, mais aussi les disponibilités des uns et des autres », précise le compositeur.
Plus facile de jouer aux Etats-Unis qu’en France
Conscient que « tourner n’est que sacrifice », Philippe Beer-Gabel s’est fixé des objectifs modestes pour la première tournée de Château Nowhere. Il espère « rencontrer des bookeurs, pour ne plus devoir tout faire seul, à la force du poignet » et revenir dans la même région dès le mois de juin. Mais surtout se faire plaisir en jouant. La tournée faite il y a quelques années aux Etats-Unis avec General Bye Bye lui a montré qu’il n’allait pas forcément se passer quelque chose professionnellement, même pendant South by Southwest. Surtout pendant South by Southwest en fait. « Comment voulez-vous être entendus quand il y a autant de gens qui veulent jouer et personne pour les écouter ? » Mais du fait du prix de l’essence, tourner aux Etats-Unis est considérablement moins cher qu’en Europe. « Et la culture musicale d’Austin permet de répéter chez soi sans que personne ne dise rien ». Il en va autrement à Paris…