Vous avez peut-être déjà lu ses articles sur French Morning, puisque Charles-Édouard Catherine racontait en 2015 sa préparation pour son premier marathon new-yorkais en tant que non-voyant. Près de dix ans plus tard, ce Breton de 36 ans a délaissé la course à pied pour le cécifoot ou Blind Soccer comme on dit aux États-Unis, une discipline de foot à 5 pour déficients visuels particulièrement mise en valeur aux Jeux Paralympiques de Paris (victoire de la France en finale face à l’Argentine).
Charles-Édouard Catherine souffre de rétinite pigmentaire, une maladie dégénérative qui lui a fait perdre la vue au fil du temps, jusqu’à la cécité totale en 2012. « J’ai commencé dans la vie avec une vue d’environ 2/10. Je n’ai jamais pu lire un livre ou faire un sport d’équipe, mais ça ne m’a pas empêché de taper dans un ballon de foot avec mon père quand j’étais petit », raconte celui qui a grandi à Rennes. « Je n’étais pas très heureux à l’époque, je passais beaucoup de temps à essayer de cacher mon problème, surtout à l’adolescence ».
Son départ vers New York en 2012 est fondateur, dans une ville et un pays qui lui permettent de repartir de zéro où il reconnecte avec son handicap. « J’ai d’abord fait de la course à pied, ce qui était le plus simple pour moi puisqu’on est aidé par un guide. Ça été une très bonne expérience qui m’a permis de prendre confiance », explique Charles-Édouard Catherine, qui devient rapidement triathlète et marathonien.
Ses performances sportives vont attirer l’attention du comité olympique et paralympique américain (USOC) en mars 2019, alors que Los Angeles a décroché l’organisation des Jeux Olympiques de 2028 deux ans plus tôt, et qui cherche à monter une équipe de cécifoot. « En tant que pays organisateur, l’équipe de cécifoot américaine est d’hors et déjà qualifiée pour 2028. Sauf qu’il reste tout à construire », résume le sportif, appelé à faire des essais au centre d’entraînement olympique de Chula Vista en Californie. « J’avais gardé ma qualité de contrôle et de passes issus du foot traditionnel, mais pour le reste, j’ai dû apprendre une toute nouvelle discipline ».
Le cécifoot se joue à 5 contre 5 sur un terrain entouré de barrières, avec quatre joueurs de champ de chaque côté et deux gardiens voyants. Les équipes se dirigent vers le but adverse grâce à des grelots disposés à l’intérieur du ballon et grâce un guide situé derrière la cage. « Le dribble est très différent que dans le foot traditionnel. On ne pousse pas son ballon devant soi, il faut le garder entre ses jambes », illustre le joueur français, qui a mis plusieurs mois à s’adapter. « C’est très dur de se repérer dans l’espace et il y a beaucoup de chocs entre les joueurs, un peu à l’image du hockey sur glace. Je rentrais couvert de bleus après les entraînements au début ».
Charles-Édouard Catherine a rejoint officiellement l’équipe de cécifoot américaine en 2022 après avoir obtenu la nationalité américaine, avant un premier match disputé l’année dernière face au Canada. « On les a gagnés deux fois de suite, et notre prochain tournoi est prévu pour le moins de novembre face à l’Angleterre, le Canada et le Honduras », poursuit celui qui est devenu le capitaine de l’équipe.
Le Rennais a pu assister aux Jeux Paralympiques de Paris cet été, et notamment pu apprécier le succès de l’équipe de France de cécifoot, championne olympique le 7 septembre. « Ça va être dur de faire mieux qu’eux à Los Angeles, et surtout de rivaliser avec le succès populaire des Jeux parisiens ». « J’espère jouer contre la France, bien sûr. Je me défoncerai pour mes gars pendant le match, mais avant et après, c’est sur que j’aurais envie de chanter la Marseillaise » (rires).
Si le trentenaire breton a choisi de représenter l’équipe américaine, c’est aussi pour essayer de développer cette pratique tout neuve sur place, alors que le premier club a vu le jour en 1987 en France, et que l’équipe nationale a été créée en 1998. « Très peu d’enfants font du sport quand ils sont handicapés, et encore moins aux États-Unis. Le « soccer » est en train d’exploser ici, donc c’est le bon moment pour essayer de faire changer les mentalités. »
Charles-Édouard Catherine travaille dans une organisation qui aide à l’inclusion des personnes handicapées dans le milieu professionnel. À terme, il aimerait développer des programmes de cécifoot dans les écoles américaines. D’ici-là, il faudra structurer la pratique puisque lui même s’entraîne avec les moyens du bord à New York. « C’est souvent à la débrouille, avec un ballon et deux sacs par terre pour faire les buts sur les pelouses de Central Park… ».