A première vue, les peintures de CharlElie Couture et celles de Jean-Marc Calvet n’ont pas grand-chose en commun. Le premier peint des profils épurés, dans des couleurs douces. Le second, lui, dessine ses portraits de face, qu’il fond dans une mosaïque d’objets et de personnages colorés. Ce qui rassemble les deux artistes, qui se sont rencontrés lors de la dernière exposition de Jean-Marc Calvet, c’est finalement peut-être New York. Tous deux ont puisé dans cette ville, à leur manière, la force de se reconstruire.
Pour CharlElie Couture, cet exil était « une expérience nécessaire ». Il est venu dans la Grosse Pomme après le décès de son père, pour « se trouver ». Et aussi parce que “je souffrais de l’image figée qu’on avait de moi” en France, dit-il. Pour lui, « la notoriété, ça momifie ».
Au départ, il ne pensait rester à New York qu’un ou deux ans. Finalement, après sept années passées dans un atelier du Financial District, il a décidé de rester, à Midtown. « J’ai eu envie d’être aux premières loges, dit-il. j’ai entre 4 et 15 personnes qui entrent dans mon atelier chaque jour, ils viennent du monde entier ». Cette expérience lui a « permis de comprendre ce que je faisais ». Un mélange entre photographie et peinture, entre aplats de couleurs et décors en noir et blanc. Une dualité qui lui ressemble : « L’art, c’est une radiographie de l’âme ».
Jean-Marc Calvet lui, a commencé à peindre à 37 ans. Sa première exposition, il l’a faite dans les toilettes d’un restaurant où il travaillait. Un jour, un homme voit l’un de ses tableaux, et lui demande s’il a déjà exposé à New York. Jean-Marc Calvet pense qu’il est fou.
Il faut dire que l’artiste revient de loin. Plongé dans une profonde dépression, ce « gosse de la rue » s’est caché dans une maison mexicaine au Nicaragua. « Pendant neuf mois, je suis resté dans cette maison, la dernière au bout d’une voie sans issue. Je voulais mourir, mais je n’avais pas la force de me mettre une balle dans la tête ». Pendant cette « gestation dans une mauvaise mère », Jean-Marc Calvet sombre, seul avec son « double auto-destructeur ».
Son salut, il le doit à des pots de peinture acrylique trouvés dans la maison. «La peinture, ça a été ma thérapie, une façon de vomir, de sortir ce qui me tuait de l’intérieur.» Il couche sur ses toiles tout ce qui lui vient spontanément à l’esprit, dans un bric-à-brac coloré, plein de vie. Sans réfléchir. Parce que, « si je commence à réfléchir, je fais de la merde». Depuis 12 ans, il ne s’arrête plus de peindre, jusqu’à 15 heures par jour. Il a déjà fait une douzaine d’expositions à New York, le Flint Museum lui a acheté des toiles, un documentaire sur sa vie a parcouru les festivals de films du monde entier. Comme il le dit lui-même, « c’est une belle histoire d’espoir ».
Pour CharlElie Couture, si les tableaux de Jean-Marc Calvet ne ressemblent en rien aux siens, les deux hommes, eux, ont un point commun. «On est tous les deux hantés par nos propres démons». « Moi, mon travail, dit-il, c’est une quête d’absolu. Lui, une quête de puissance. » A découvrir à Chelsea, du 30 octobre au 29 novembre.