Confiné, on peut prendre le temps de lire davantage, s’essayer à une passion, écouter les podcasts de French Morning, mais aussi aider les autres, à notre manière. Car cette crise sanitaire exacerbe aussi les preuves d’altruisme, l’envie de se rendre utile à son échelle. «Gigi» Harding, Nathalie Dahan et Bernard Khalili font partie des Français qui se mobilisent pour aider les personnes «en première ligne» du Covid-19, qu’ils soient caissiers, soignants, policiers, éboueurs ou sans-abris.
Une machine à coudre pour répondre à la pénurie de masques
Habituée à dénicher le parfait costume chez Western Costume Company à Los Angeles, «Gigi» Harding s’est confinée dans son loft à Downtown depuis le mardi 17 mars au soir, jour où son entreprise a fermé «temporairement» ses portes. Faute de pouvoir télé-travailler, elle a décidé de se consacrer à des projets «couture» personnels, de la restauration de santiags à la réparation d’une veste en cuir des années 70. Jusqu’à ce qu’elle trouve une mission qui lui tienne à cœur : face à la pénurie de matériel, elle confectionne des masques de protection anti-émissions en tissu – alternatives aux masques chirurgicaux utilisés par les soignants. «Le syndicat a passé un appel à volontaires, proposant des kits de fabrication (avec des coupons de tissu aux bonnes dimensions, des élastiques et du fil de fer)», explique la trentenaire franco-américaine. «Il faut juste avoir en sa possession une machine à coudre.» Comme nombre de professionnels du «costum design», elle répond positivement à cet appel, et confectionne une première série de 70 masques en deux-trois jours. «C’est satisfaisant d’avoir un métier, un savoir qui peut être utile. Et j’ai le temps et le matériel», assure celle qui a déjà rempilé pour une seconde fournée destinée aux agents municipaux et aux infirmières. «Les patrons étaient plus élaborés la seconde fois, le processus s’améliore», fait remarquer cette expatriée, installée en Californie depuis 10 ans. Avec du tissu personnel, elle réalise également des masques pour ses amis, ainsi que pour les travailleurs mobilisés auprès des sans-abris de Skid Row. «Ils sont moins efficaces que les N95, mais réutilisables plusieurs fois à condition de bien les laver à l’eau chaude.» Chaque «fournée» est déposée dans un point relais, qui se charge de les redistribuer. Sa seule sortie hors du loft depuis plus d’un mois.
Du poulet pour régaler les soignants et les pompiers
Poulet pané, en croquettes ou grillé… La rôtisserie française Coco Queen, ouverte depuis juin dernier à West Hollywood, fait tourner les fourneaux à plein régime deux jours par semaine. «J’ai décidé de nourrir les travailleurs en première ligne : les infirmiers, médecins, pompiers et policiers», décrit Nathalie Dahan, l’une des deux propriétaires. «Ce sont les premiers intervenants, ils mettent leurs vies en danger, certains ne peuvent pas rentrer chez eux ou voir leurs enfants… Il est important de s’occuper d’eux, de leur fournir un repas chaud», dit la restauratrice. Elle a été dans l’obligation de fermer son restaurant, la demande en livraison et «pick-up» n’étant pas suffisante. «Je voulais contribuer à l’effort, mais je ne savais pas comment. Une habitante du quartier m’a sollicitée et mise en contact avec les hôpitaux», raconte la Française. Vendredi 10 avril, elle a alors livré 80 repas pour les soignants de l’hôpital pour enfants. Lundi 13 avril, 80 autres ont réjoui pompiers et shérifs de West Hollywood et Beverly Hills. Des opérations réalisées sur fonds propres, et qui lui permettent de donner du travail à son staff (payé à la journée, et donc au chômage technique). «Si des gens veulent faire des dons, nous pourrions faire plus, livrer d’autres personnes.» De quoi donner de l’espoir alors que l’idée d’une reprise de l’activité reste incertaine.
Un appel au don pour se préparer à la vague
C’est en uniforme du LAPD (Los Angeles Police Department) que le chef d’entreprise Bernard Khalili opère. Officier bénévole (“un concept très américain”, avoue-t-il) auprès de la station de Hollywood depuis près de 17 ans, il est sur le pont tous les deux jours, occupé à faire de “l’éducation”. “On va informer les commerces, encore ouverts, s’ils ne sont pas essentiels comme les magasins de cigarettes électroniques ; mais aussi aviser les habitants que les parcs sont fermés. C’est du préventif, on ne met pas de contravention directement”, assure ce Français de 51 ans, expatrié aux Etats-Unis depuis près de 30 ans. Habituellement, il est affecté aux patrouilles pour la police secours, et sert de relais entre les cellules anti-terroriste française et américaine. Service pour lequel il a été décoré à plusieurs reprises – chevalier de l’ordre national du mérite et la médaille d’honneur de la police nationale à titre exceptionnel. Depuis le début de la crise, il est armé de masque et de gants pour assurer sa mission : “il nous arrive encore d’accompagner en ambulance des présumés criminels qui présentent des symptômes (deux fois la semaine passée)”, admet-il, reconnaissant que le nombre de crimes est en diminution. Bernard Khalili avoue avoir plus de temps pour ce bénévolat, étant donné que sa société d’immobilier est en pause. Pou autant, il a refusé de mettre au chômage ses 75 employés.
En parallèle, il récolte sur son temps libre des masques et autres matériels “en anticipation d’une possible pénurie” auprès d’entreprises qu’il connaît et de ses proches. “Même si la LAPD a assez de stocks, je préfère en mettre de côté, au cas où”, admet celui qui reste en contact étroit avec des médecins, pour répondre à leurs hypothétiques besoins (dons acceptés, contactez [email protected]). “Donner son sang, son temps, ses ressources : c’est la beauté de ce pays, et je contribue à mon humble échelle”, admet le quinquagénaire. “Etre en position d’aider les gens qui sont au pire de leur vie, c’est la raison pour laquelle j’ai décidé de rejoindre la police après le 11-Septembre.” Pour aider, il recommande aussi aux citoyens de “rester chez eux, porter un masque “maison”, se laver les mains et respecter la distanciation sociale. Il vaut mieux faire partie de la solution, que du problème.”
De petits gestes quotidiens pour aider sa communauté
Livraison de courses et de médicaments, aide aux devoirs pour les enfants, promenade des animaux de compagnie, ou encore appels réconfortants : ce sont quelques-unes des annonces postées par les Français de Los Angeles sur la plateforme d’entraide, créée par l’Union des Français de l’Etranger. Majoritairement, ce sont de jeunes actifs et étudiants qui proposent bénévolement de rendre des services aux compatriotes qui vivent dans leurs quartiers. Outre la plateforme, pendant toute la durée du confinement, l’UFE de Los Angeles organise des ateliers yoga, cuisine, ainsi que des séances de coaching via Facebook.