Le film “Salafistes” est devenu “Jihadists” aux Etats-Unis. “Le mot salafiste (partisan du mouvement religieux de l’islam sunnite) n’y est pas connu”, justifie le co-réalisateur et producteur, François Margolin, de passage à New York pour présenter le film, puis à Los Angeles où son travail sera montré dès jeudi 31 janvier. Le documentaire sera également projeté dans une trentaine de villes américaines.
Durant 75 minutes, ce documentaire sur l’islam radical montre “comment des salafistes, reliés par une même idéologie, partagent des points communs et sont organisés, quel que soit leur pays d’origine”, une position à contre-pied des discours sur les actes isolés de loups solitaires.
Le documentaire a suscité une vive polémique en France. Défendu par le réalisateur Claude Lanzmann et plusieurs critiques, il a été interdit aux moins de 18 ans par le Ministère de la culture en 2016 et assorti d’un avertissement au motif qu’il était trop violent – il comporte des scènes d’exécutions notamment.
Il donne aussi la parole à des responsables d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) et d’autres leaders islamistes. Le documentaire est un montage de discours bruts, dénués de commentaires ou d’explications, ce qui lui a valu d’être critiqué pour le manque de contexte et de recul. François Margolin, qui a hérité de ce style de ses années comme assistant de Raymond Depardon, l’un des maîtres du film documentaire et fondateur de l’agence photographique Gamma, assume ce parti-pris. “Ce sont des propos que les gens ont du mal à entendre”, regrette le réalisateur, et pourtant “cela permet de savoir ce qu’il y a dans la tête de ceux qui se considèrent comme nos ennemis”.
François Margolin refuse toutes les accusations de “propagande” pour les djihadistes. “C’est comme si parler des camps nazis, c’était en faire l’apologie, désespère-t-il. Finalement, nous sommes parvenus à nos fins : le film a fait réagir”.
Il pensait le film mort, mais la renaissance est venue de l’autre côté de l’Atlantique. “C’est assez marrant qu’il faille être censuré chez soi pour être diffusé dans les salles américaines, un fait rare pour les documentaires étrangers”, ironise François Margolin. “Jihadists” a été accueilli à bras ouverts par le distributeur américain Cinema Libre Studio, qui distribue les documentaires d’Oliver Stone. Très enthousiaste quand il lui a été présenté, il a été “séduit par un discours qui a un intérêt pour les Américains”. Ce sujet, qui fait écho aux attentats du 11-Septembre et aux autres attaques qui se sont produites plus récemment sur le sol américain, a une résonance internationale. “Il y a un traumatisme, les Américains veulent connaître les motivations des djihadistes qui leur tirent dessus.”
Mais “quand le président Donald Trump parle des migrants comme des terroristes, ce sont juste des mots excessifs”, tient à rectifier le documentariste.
“Il y a, aux Etats-Unis, une liberté d’expression plus forte”, estime François Margolin, qui a retenu l’attention de la presse hollywoodienne lors de l’interdiction du film. Celle-ci est même devenue un argument de vente pour la société de production. Le réalisateur a été étonné par “l’absence d’agressivité” des questions des spectateurs pendant les questions-réponses lors de sa présentation à New York il y a quelques jours. Cela ne veut pas dire que tout le monde l’apprécie. Le New York Times a partagé ses doutes dans une critique publiée le 24 janvier: “Ce n’est pas évident de voir ce que Margolin considère comme éducatif dans le fait montrer l’idéologie extrémiste sans filtre“.
Travaillant aujourd’hui sur un documentaire “top secret” sur la Corée du Nord, François Margolin espère que cette distribution américaine “va faire bouger les choses” en France. Et il n’exclut pas une diffusion sur Netflix si l’occasion se présente.