« Ma grand-mère a dû arrêter ses études à 12 ans, c’était important pour elle que l’on travaille bien à l’école », confie Célia Belin, la nouvelle directrice intérimaire du Centre des États-Unis et de l’Europe de la Brookings Institution. Ce think tank est bien connu à Washington, étant l’un des plus anciens et réputés de la capitale.
La Dijonnaise de 41 ans souligne qu’elle a eu très tôt une passion pour les langues, soulignant avec fierté qu’elle est « un pur produit de l’école publique et républicaine française ». Après un baccalauréat en section européenne de Charles de Gaulle à Dijon, elle intègre l’INSA, une classe préparatoire à Lyon qu’elle abandonnera en cours d”année.
Elle revient à Dijon pour suivre des cours en licence LEA (Langues étrangères appliquées). « J’avais un professeur qui était ambitieux pour ses étudiants et il m’a poussée à faire une maîtrise », se rappelle-t-elle. Refusée pour suivre un master professionnel, elle se lance dans un master recherche. « J’ai passé un an à Madrid, puis il me fallait un stage dans un pays anglophone, explique Célia Belin. Comme beaucoup de Français, j’avais un certain anti-américanisme ». Elle le reconnaît, les États-Unis ne l’attiraient « pas du tout ». Finalement, elle part en stage au consulat de Chicago, en pleine crise diplomatique franco-américaine avec la guerre en Irak. « Je devais ouvrir les lettres que l’on recevait, beaucoup d’insultes, et les scanner pour l’ambassade », raconte-t-elle.
À son retour, ses professeurs lui conseillent de postuler dans une université parisienne. La chercheuse obtient une bourse pour un doctorat en science politique, mention relations internationales, à l’université Panthéon-Assas. « J’ai commencé à comprendre ce qu’était une bonne orientation et être sur Paris, ça compte », souligne la Française. Le sujet de sa thèse se portera sur l’évangélisme et le soutien à Israël.« Je suis partie à New York et, là, j’ai eu la chance d’être accueillie en tant que chercheuse invitée au Council on Foreign Relations, puis au Middle East Insitute (SIPA) à Columbia University », explique-t-elle. Célia Belin estime que ces quatre années de travail ont été déterminantes pour sa carrière.
En 2011, elle publie sa thèse chez Fayard sous le titre « Jésus est juif en Amérique, Droite évangélique américaine et lobbies chrétiens pro-Israël », alors qu’elle accouche de son premier enfant. « Ce n’est jamais le bon moment pour avoir des enfants donc je me suis lancée alors que je cherchais mon premier emploi », confie-t-elle.
En 2012, elle décroche un poste au Centre d’Analyse, de Prévision et de Stratégie (CAPS) au Quai d’Orsay. « Cela a été crucial dans mon parcours professionnel, on voit comment la politique étrangère se construit », explique-t-elle. Après plusieurs années d’études, elle voit « comment on peut ancrer les stratégies dans le réel ».
C’est en 2017, avec un nouveau visa J-1, qu’elle démarre en tant que chercheuse invitée à la Brookings Institution. Quand elle débarque à Washington, elle se sent comme « une petite Française dans un centre de pouvoir » avec la Maison Blanche à quelques encablures de son bureau sur Massachusetts Avenue.
Récemment, Célia Belin a été très vocale sur le travel ban qui l’a touchait directement, bloquée avec son visa J-1. L’an dernier, elle écrit un article dans le Washington Post qui a été « une caisse de résonance pour beaucoup de monde » et la « Brookings a été un bon soutien ». Elle a aimé cette expérience militante et espère pouvoir continuer à « se battre pour le droit à la mobilité ».
Quand elle regarde son parcours, de Dijon à Washington DC, elle estime ne pas voir eu les meilleurs diplômes mais « des expériences professionnelles qui comptent ». Pour sa nouvelle fonction, elle succède à Tom Wright, qui a rejoint la Maison Blanche pour travailler au Conseil national de sécurité. Selon Celia Belin, son « esprit d’équipe » a gagné la confiance des directeurs de Brookings, qui ont décidé de lui confier les clés du Centre des États-Unis et de l’Europe pour quelques mois.