Célhia de Lavarène n’a pas sa langue dans sa poche. Pour la réédition de son livre sur le trafic d’êtres humains, Un visa pour l’enfer, elle sera de passage sur la Côte Ouest, à Los Angeles et San Francisco, pour deux séances de dédicaces.
Journaliste politique de formation, Célhia de Lavarène menait une vie “tranquille” jusqu’à ce que Jacques-Paul Klein, représentant spécial de Kofi Annan en Bosnie, lui demande en 2001 de créer et diriger un programme de lutte contre le trafic d’êtres humains. Dans les bordels, elle découvrira “une forme d’esclavage moderne” : la prostitution forcée.
“J’ai vu la lie de l’humanité, l’horreur dans toute sa splendeur“, confie Célhia de Lavarène. Chaque année, plus d’un million de filles et garçons sont victimes de trafic sexuel. Au cours de ses missions en Bosnie et au Libéria, l’ex-journaliste constate que des mineures sont vendues à… des casques bleus. “Le premier client d’une jeune fille marocaine que nous avons voulu sauver était un civil de l’ONU en mission humanitaire. Il a payé 400$ à la tenancière – bien sûr, la gamine ne touchait pas un centime. Elle s’est crue sauvée.”
Célhia de Lavarène a fait des pieds et des mains pour la sauver, ainsi que les 300 autres victimes qu’elle parviendra à délivrer. Mais l’ONU ne l’a pas crue. “Pour eux, cette gamine, c’était une pute.” Depuis la Bosnie, l’ex-journaliste raconte qu’elle est sur liste noire au siège de l’ONU, à New York.
Pour elle, le jugement porté envers les victimes de trafic sexuel est une des raisons pour lesquelles cette lutte reste méconnue. “On évoque la prostitution, mais ça n’en est pas! Hommes et femmes ont souvent une image fantasmée des maisons closes“, s’indigne Célhia de Lavarène qui, avec 250 policiers sous ses ordres en Bosnie, a aussi dû faire tomber quelques préjugés. “J’ai dû faire mes preuves parce que je me présentais en tant que femme et civile.”
Son livre, Un visa pour l’enfer, est sorti en France en 2006. Depuis, elle a créé une ONG, “STOP” (Stop Trafficking Of People), parrainé par l’acteur britannique Daniel Craig. Marc Lévy – “un ami” – qui s’est impliqué auprès de son programme de lutte, sera présent à Los Angeles pour la séance de dédicaces. La créatrice de mode grenobloise, Catherine Malandrino, lui a également apporté son soutien. “Une des rares personnes qui soient revenues vers moi“, précise Célhia de Lavarène.
Rares sont ceux à proposer des actions concrètes pour venir en aide aux victimes. “C’est un sujet qui fait pleurer, mais personne ne veut aider, ajoute la journaliste. Je pense qu’un roman sur une série de meurtres marcherait mieux. Je n’ai pas de chiffre à donner, je suis juste la voix. Mais je suis seule et j’ai besoin de fonds.”
Marc Lévy se dit “choqué” et “bouleversé” par Un visa pour l’enfer et “admire” le combat de Célhia de Lavarène. “Ma vie et mon travail ont toujours été portés par la quête de liberté. Et de quoi parle ce livre sur l’esclavage sexuel si ce n’est de liberté ? explique le célèbre écrivain. C’est une lutte de tous les jours, car menacée au sein même de la démocratie.”