Chère Viviane,
Je vous écris tard le soir, le coeur lourd et les yeux rouges. Nous venons de rentrer d’une autre soirée organisée par trois couples d’amis. Dans un mois à peine, ces trois couples ne feront plus partis de nos rencontres, de nos débats, et de notre cheminement de vie aux US. Je vous avoue que je ne sais plus comment gérer tous ces adieux !
Anne- Claude de Larchmont.
Chère Anne Claude,
Votre question se pose particulièrement à cette époque de l’année et pour beaucoup, chaque année. Célébration ou résignation ? Envol ou séparation ? Nouvelle aventure ou bien retour au pays ? Ces mots sont-ils opposés ou bien se rejoignent-ils dans l’inévitable parcours des expatriés ? Déménager son cœur, ses habitudes, ses repères soulève toujours un trop plein d’émotions qu’il faut prendre sérieusement en considération.Le compte à rebours commence à toute vitesse et notre regard s’étant métamorphosé au fils du temps, le cap n’est plus aussi clair.
Ces changements, s’ils sont inhérents à la mobilité internationale n’en constituent pas moins une épreuve physique, dévoreuse de temps et d’énergie, une épreuve psychologique (ceci à tous les âges, des petits aux grands). On laisse derrière soi un cadre familier, des lieux, des souvenirs et surtout des relations personnelles. Les expats font partie d’un club privé, privilégié, ayant presque un langage secret, remplit de clins- d’œil sur plus d’une coutume. N’oublions pas que l’expatrié a souvent connu pendant la durée de son contrat une facilité de bien-être, un droit à des privilèges, la pratique d’une nouvelle langue, une ouverture d’esprit, le goût à la fois de la liberté et de découvertes dans une culture dépaysante.
Le travail psychologique demande de grands efforts de votre part, la maman et aussi de la part de vos amies rencontrées au fils des années. Avec vos souvenirs de « nouvelle », craintivement investie dans les cafés accueils, les conférences d’écoles essayant de ne pas vous laisser intimider par celles qui semblaient être incorporées depuis toujours dans cet environnent. Vous souvenez- vous encore du premier sourire échangé ? Du premier geste engageant ? De la première invitation ? Tout cela vous parait si loin à présent. Vous avez tissé des amitiés profondes car ce besoin est encore plus grand à l’étranger, le réconfort de se comprendre, de passer par les mêmes étapes et se soutenir à travers les coups durs. Souvent l’intimité se forme plus rapidement avec vulnérabilité et franchise, sans doute parce que le temps sera limité. Les familles se rencontrent et devinent qu’elles ont besoin d’un noyau, d’un substitut. Ainsi les clans se forment et se tiennent les coudes.
Lors d’un départ, il s’agit bien d’un déracinement qui annonce une période de stress, d’instabilité et aussi l’insécurité du changement. Même, un retour vers du connu peut- être devenu au fils du temps, un peu plus inconnu. Ceci impacte fort nos enfants grandis à l’étranger qui souvent détestent tant l’intrusion de la nouveauté. C’est encore un grand pas dans leur réalité avec des journées de nostalgie et de réadaptation à ne pas négliger au fond de vos valises.
Donc quand le départ approche, on ressent le besoin de boucler non seulement les valises mais aussi la vie d’ici pour se permettre une meilleure chance de commencer une autre vie « là-bas ». Sachez qu’afin de pouvoir décoller, il vous faudra vous mettre en orbite et préparer chaque chapitre de votre départ, celui du pratique et celui du psychologique. Quoique fatiguant, voire épuisant, le côté pratique est gérable grâce aux déménageurs de service.
Mais il va aussi vous falloir gérer le regard moite de votre petite fille, les humeurs maussades de votre adolescent et les jouets qui s’égarent. Sans compter, l’absence de votre époux qui se doit d’investir ses dernières semaines au bureau à négocier son « re-entry » dans son entreprise si toutes fois il a la chance de faire partie d’une société- mère. Sa tête sera plongée dans certaines démarches administratives de réinsertion professionnelle ou de reconversion dans un nouveau secteur de travail.
Il est intéressant de noter la surprise de nombreux Français face à l’hésitation, la distance, la prudence qu’exhibent certains Américains mais aussi certains « locaux » face à l’investissement trop prononcé d’une amitié. Il s’agit ici de la peur de trop se lier, de trop s’attacher et de devoir ensuite se séparer et souffrir. Ils dressent des murs de protection et ainsi se protégent du deuil du départ ayant participés à trop d’adieux. Certains expatriés choisissent avec discernement à qui confier leur cœur, d’autres encore refusent de s’attacher ou d’avoir besoin des autres. C’est vrai aussi qu’il n’est pas si facile de se réinventer, de s’expliquer à chaque fois, nous et notre histoire. Cependant, quand le chagrin est enfoui ainsi que la capacité de ressentir et d’exprimer, l’aptitude à donner de l’amour s’éteindra aussi.
Il me semble Anne Claude que vous faites partie de celles qui vivent le cycle des liens avec bonheur et intégrité. Votre vie en sera toujours plus enrichie. Face aux arrivées et face aux départs il faut être généreux et ouverts. Il nous faut inviter les sentiments et les incorporer dans le cheminement de notre philosophie et spiritualité de vie. Avec l’heure de départ qui approche, certains tentent de se préparer en se mettant plus en retrait, de s’isoler. D’autres se sentent abandonnés, dépités, tristes et peut-être même trahis dans leur exclusivité. Il faut vite les repêcher. Bien entendu le départ va arriver mais en attendant pourquoi ne pas célébrer ensemble ce passage de la vie, ces rencontres exceptionnelles dont le souvenir sera partagé pour le restant de vos vies. Oui le chagrin est là mais l’aventure continue aussi. Il est tellement important de bien se quitter et de célébrer ensemble ; d’un côté vos cœurs serrés et de l’autre, ces liens qui n’ont plus de fin.
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0 Responses
Excellents conseils de notre psy préférée. Anne-Claude a de toute évidence un bon coeur. Peut-être est elle jeune, également. Avec l’expérience, on apprend à moins investir: les acteurs et les familles militaires parlent souvent de ces brassements et ils s’y habituent. Et rien que la première phrase: “Je vous écris tard le soir…” Comme dit toujours MA maman: une bonne nuit de sommeil.
Il me semble que les aleas des “expats” sont comme
une concentration des aventures de toute vie! Dire au-revoir n’ est jamais facile, ou que ce soit, a qui que ce soit. Le fait est que, comme le dit Viviane, les expats vivent une “dolce vita” assez detachee de la realite de ceux restes au pays. Souvent on a du mal a realiser que cette bonne vie ne va pas durer toujours! On pleure sur ceux qui partent, car on sait qu’ on partira aussi! Retour a la vie reelle!
Il me semble que les aleas des “expats” sont comme
une concentration des aventures de toute vie! Dire au-revoir n’ est jamais facile, ou que ce soit, a qui que ce soit. Le fait est que, comme le dit Viviane, les expats vivent une “dolce vita” assez detachee de la realite de ceux restes au pays. Souvent on a du mal a realiser que cette bonne vie ne va pas durer toujours! On pleure sur ceux qui partent, car on sait qu’ on partira aussi! Retour a la vie reelle!
Il me semble que les aleas des “expats” sont comme
une concentration des aventures de toute vie! Dire au-revoir n’ est jamais facile, ou que ce soit, a qui que ce soit. Le fait est que, comme le dit Viviane, les expats vivent une “dolce vita” assez detachee de la realite de ceux restes au pays. Souvent on a du mal a realiser que cette bonne vie ne va pas durer toujours! On pleure sur ceux qui partent, car on sait qu’ on partira aussi! Retour a la vie reelle!