Il faut rouler une trentaine de minutes à l’ouest de San Antonio pour arriver jusqu’à cette petite ville de 3 000 habitants, perdue dans le sud du Texas. Une fois passées les chaînes de fast-foods et le Wallmart local, un premier bâtiment à colombages surprend le visiteur. Nous sommes chez Haby’s Bakery, une boulangerie ouverte en 1940 où les donuts se mélangent aux kouglofs, le tout dans un décor traditionnel de l’Est de la France. « On est avant tout une boulangerie américaine, mais on fait encore quelques produits français pour les familles de descendants alsaciens qui vivent ici », explique une des employées de l’établissement.
Castroville doit son existence à Henri Castro, un entrepreneur français ayant servi sous l’empereur Napoléon 1er au début du XIXe siècle, avant de s’exiler aux États-Unis où il acquiert la nationalité américaine. Il devient Consul de la République du Texas à Paris, puis se voit offrir des terres dans ce tout jeune État arraché au Mexique, qu’il est chargé de peupler de nouveaux habitants. Castro y emmènera pas moins de 485 familles alsaciennes, et Castroville naîtra officiellement en 1844.
Près de 200 ans plus tard, la petite ville continue de préserver et célébrer son héritage alsacien. L’Alsatian Steinbach Haus est le témoin de cette histoire commune entre les deux côtés de l’Atlantique. Située à seulement 300 mètres de Haby’s Bakery, il s’agit d’une maison typiquement alsacienne construite en France en 1648, puis démontée et envoyée à Castroville où elle sert aujourd’hui d’office du tourisme. En traversant le pont au-dessus de la Medina River, on tombe ensuite sur le Landmark Inn, un ancien moulin créé par une famille d’immigrants alsaciens, aujourd’hui transformé en bed & breakfast. « Castroville est la dernière colonie française du Texas. Nous sommes très fiers de cet héritage et entretenons des liens forts avec la France et l’Alsace », commente Phil King, élu local en charge du rayonnement touristique de la ville.
Le centre historique de Castroville peut se faire à pied et possède le charme d’un village français avec son église centrale (St. Louis Catholic Church) et ses commerces, au-dessus desquels flottent les drapeaux français et alsaciens. La ville est d’ailleurs jumelée avec Ensisheim depuis 15 ans, une commune de 7 000 habitants située dans la banlieue nord de Mulhouse en Alsace. Une association est née en 2001 à Ensisheim pour entretenir les liens avec Castroville. Certains membres français de l’association ont fait le déplacement au Texas le 27 avril dernier lors du Alsatian Festival of Texas, un festival annuel dédié à la culture alsacienne avec choucroute géante, dégustation de bières et costumes traditionnels. « Nous organisons également des projections de films, des cours de langue, des lectures… Nous faisons tout pour préserver le dialecte alsacien ici », poursuit Phil King.
À cinq minutes de l’église, sur Fiorella St, se trouve la maison où ont résidé Henri Castro et sa famille. Les charmes de l’ancien ont en revanche disparu, puisque cette bâtisse en pierre a aujourd’hui été recouverte de matériaux modernes. Pour finir la visite de Castroville, il faut continuer sur Fiorella St où certaines boîtes aux lettres sont surmontées de fausses cigognes. C’est ici que l’on trouve l’ancien palais de justice, un joli bâtiment en pierre reconverti en mairie.
Enfin, pour quelques souvenirs, rendez-vous au All Local – Market, une épicerie qui propose des serviettes, torchons et ustensiles de cuisine aux motifs alsaciens, ainsi qu’une belle sélection de vins de l’Est de la France. Et dire que nous sommes à seulement deux heures de route de la frontière mexicaine…