On le connaissait danseur et chorégraphe, mais pas encore réalisateur. C’est désormais chose faite. Avec « Carmen », une relecture contemporaine du plus célèbre des opéras français, qui vient de sortir dans les salles obscures américaines, l’ancien directeur du ballet de l’Opéra de Paris Benjamin Millepied signe son tout premier long-métrage et dévoile un talent insoupçonné.
« J’ai toujours été passionné par la photographie et le cinéma, qui sont tous deux intimement liés à la chorégraphie puisque ce sont des démarches artistiques qui permettent d’explorer des émotions personnelles en travaillant notamment avec la lumière et les mouvements », raconte le danseur bordelais de 45 ans, aussi connu pour être le mari de l’actrice oscarisée israélo-américaine Natalie Portman. Ils se sont rencontrés il y a une quinzaine d’années sur le tournage du thriller psychologique « Black Swan », pour lequel Benjamin Millepied avait imaginé les chorégraphies. « Cela m’a permis de voir de près comment un réalisateur dirige ses acteurs et joue avec la caméra, explique-t-il. C’est une expérience enrichissante qui m’avait alors donné envie de retourner sur un plateau, mais cela a pris du temps. »
Pour son premier passage derrière la caméra, Benjamin Millepied a jeté son dévolu sur l’ultime chef-d’œuvre du compositeur Georges Bizet. « Je ne connaissais pas encore le processus de création pour un long-métrage, j’ai donc voulu travailler sur quelque chose d’existant et surtout qui me parlait, indique-t-il. J’avais un profond désir de réinventer Carmen, de lui insuffler une nouvelle vie. »
Une adaptation sur grand écran qui se veut à son image, humaine et engagée, dans laquelle le Français place l’action non pas en Espagne, mais à la frontière entre les États-Unis et le Mexique. « J’ai passé la plus grande partie de ma vie aux États-Unis, j’avais donc le sentiment que ce film devait se dérouler dans un endroit auquel j’étais apparenté, souligne le fondateur du L.A. Dance Project qui vient de réemménager à Paris avec sa femme et leurs deux enfants. Je me sens aussi très impliqué émotionnellement avec les migrants sans papiers qui cherchent à gagner ce pays. »
Cette réinterprétation audacieuse par son esthétique, Benjamin Millepied ayant soigné une image léchée, compte à son casting deux étoiles montantes du cinéma : Melissa Barrera et Paul Mescal, qui interprètent respectivement Carmen, une jeune Mexicaine qui souhaite passer la frontière américaine, et Aidan, un ancien marine qui va tuer pour la protéger. La comédienne espagnole Rossy de Palma est elle aussi à l’affiche, campant le rôle de Masilda, une propriétaire de discothèque, qui offre aux deux protagonistes une parenthèse de légèreté grâce à la danse et la musique.
Les créations entraînantes du compositeur new-yorkais Nicholas Britell qui rythment ce long-métrage occupent d’ailleurs une large place, tel un personnage à part entière. « J’ai véritablement abordé ce film de la même façon que je le fais avec la chorégraphie : la musique, la danse, les lumières ou encore les costumes, tout se côtoient en harmonie afin de donner vie à une seule et même expérience immersive pour le spectateur », détaille Benjamin Millepied qui semble d’ailleurs avoir pris goût à l’exercice puisque le cinéaste écrit déjà son prochain film.