Il aura fallu près de sept ans à Bubble, la plateforme qui permet de créer son application ou son site Internet sans faire appel au code, pour boucler sa première levée de fonds : 6,25 millions de dollars, en juin 2019. Mais moins de deux ans plus tard, la startup fondée par le Français Emmanuel Straschnov et Josh Haas, a décuplé ses ambitions. Bubble a annoncé avoir bouclé un tour de table de série A de 100 millions de dollars, mené par le fonds Insight Partners et à laquelle se sont joints des business angles de la première heure, comme les fondateurs de Peloton et Datadog. « Insight Partners est le premier fonds à nous avoir contactés en 2014. Ce sont des investisseurs new yorkais et pragmatiques sur l’enjeu de se passer de développeurs, ce qui en fait des partenaires idéaux pour nous », raconte Emmanuel Straschnov.
Le trentenaire le reconnaît lui-même, il est devenu entrepreneur un peu par hasard. Après des études prestigieuses à Polytechnique-Ponts et Chaussées puis un MBA à Harvard, il fait la connaissance de Joshua Haas autour d’un café, en 2012. « Je devais répondre à une offre d’emploi sous 24 heures, mais j’ai changé d’avis en quelques heures en parlant avec Josh de son idée. J’ai choisi un cofondateur plus qu’un projet ». Le duo se lance dans l’aventure du « no-code », un concept qui est encore embryonnaire à l’époque. Ils cherchent un nom à la fois enfantin et générique, qui porte leur ambition de révolutionner, simplifier et rendre accessible l’entrepreneuriat tech. Le nom est trouvé : Bubble.
Dès le départ, les deux fondateurs décident de « bootstrapper » au maximum et de développer leur plateforme à deux, sans faire appel à des investisseurs extérieurs. « Nous n’étions pas vraiment les golden boys de la Tech, nous n’avons pas touché de salaire pendant presque 3 ans », sourit-il. Cela durera près de six ans, mais c’était le prix à payer pour Emmanuel Straschnov : « A deux, nous avons pris le temps d’optimiser un outil facile, accessible et utile au plus grand nombre ». Alors que plusieurs concurrents se sont brûlés les ailes à lever de l’argent trop tôt, Bubble a privilégié la patience et le travail de longue haleine. Bien lui en a pris, surtout qu’il se lance dans le développement marketing juste avant l’éclatement de la crise Covid, au printemps 2020. « D’un seul coup, les gens ont eu beaucoup de temps, ont eu envie d’améliorer leurs compétences digitales et de lancer des ‘side hustles’ pour gagner de l’argent, à moindres frais ». Bubble, dont les offres commencent à 25 dollars par mois, engrange les inscriptions, et le nombre d’utilisateurs double entre mars et avril 2020.
Depuis, ils sont plus d’1 million à avoir exploité la plateforme Bubble, et ses revenus ont doublé sur un an. Aujourd’hui, l’enjeu est double : d’un côté, former les nouveaux entrepreneurs pour apprendre à exploiter la plateforme, si bien que Bubble organise des « bootcamps », séminaires et partenariats avec des universités pour répandre la connaissance. Mais aussi d’accompagner les start-up nées sur Bubble, qui veulent toujours grandir et ajouter de nouvelles fonctionnalités. Pour cela, rien de tel que les ingénieurs. La jeune pousse, qui emploie une cinquantaine de personnes à New York, compte passer à 70 d’ici la fin de l’année et 140 d’ici 2022. L’objectif est d’embaucher des ingénieurs – notamment en France – pour améliorer sans cesse les outils disponibles pour ses clients. Le fondateur en est convaincu, l’industrie sera massive d’ici 20 à 30 ans, et un gagnant – le futur Microsoft ou Amazon du « no-code » – émergera parmi eux, d’où l’importance de « scaler » rapidement. Le temps du système D et de la patience est bel et bien révolu pour l’entrepreneur. L’heure est à l’ambition.