Côté rue, la boutique Hopsy vend des bières locales. Mais c’est côté cour que tout se passe. Dans l’arrière-boutique, séparée du magasin par une grosse chambre froide qui ronronne bruyamment, des growlers (bouteilles d’un litre) s’empilent.
Lancé en janvier 2016, Hopsy, un service de vente en ligne et de livraison à domicile de bières artisanales, compte déjà 2 500 clients. Des particuliers, et une centaine d’entreprises, qui veulent s’approvisionner pour des événements internes. La croissance du chiffre d’affaires d’Hopsy atteint 20% par mois, et la start-up a étendu la livraison à San Francisco, après un test initial sur Oakland et Berkeley, s’enthousiasme Sébastien Tron, le co-fondateur d’Hopsy, originaire de Bordeaux. Un fidèle de l’East Bay, et un grand fan d’IPA.
Le créneau est porteur. « Le marché de la bière est en pleine explosion depuis 5-10 ans, en particulier celui de la craft beer », affirme-t-il. La bière artisanale compte parmi ses consommateurs 30 % de millenials. Des jeunes qui « n’aiment pas la budweiser », résume Sébastien Tron, qui a installé sa boutique et le siège de son entreprise à Albany, au nord de San Francisco.
De l’autre côté de la chaîne, il estime qu’environ 160 micro-brasseurs de la Baie distribuent « eux-mêmes, notamment via leur taproom… Ils sont en quelque sorte condamnés à rester petits ». C’est ce qu’Hopsy veut changer. L’entreprise travaille pour l’instant une douzaine de brasseurs et micro-brasseurs partenaires.
Le Bordelais partage avec un enthousiasme communicatif l’histoire de la régulation de l’alcool depuis la fin de la Prohibition, et de la logistique de la bière fraîche en milieu urbain. On s’étonne d’apprendre qu’il n’est tombé dans la marmite que récemment.
Diplômé d’HEC, le jeune homme souriant, au look relax et soigné, a « fait du conseil en marketing pendant six ans à Paris » avant de venir aux Etats-Unis. « Avec ma femme, on avait envie d’avoir une expérience à l’étranger, découvrir un pays aux codes différents. Et à trente ans, je me sentais l’envie de prendre des risques pour faire quelque chose qui me passionne vraiment », confie-t-il.
Inspiré par plusieurs séjours aux Etats-Unis, le couple choisit de s’établir à Los Angeles avec « l’idée de monter un concept retail ». Le MBA de Berkeley dans lequel il est accepté les ramène dans la Baie en août 2013. « Il m’a fallu un an et demi pour arrêter mon choix sur une idée », qui deviendra Hopsy.
Une réflexion alimentée par des stages, notamment chez les services de livraison Munchery, Spoonrocket -devenu Sprig– et Naked Wines (vente de vin en ligne), où il rencontre ses deux futurs co-fondateurs américains.
Mais étudier et observer ne suffisent pas ; Sébastien Tron a surtout appris sur le tas. « A des connaisseurs, on peut proposer des doble, triple IPAs, ou des imperial stouts. Pour les événements corporate, il faut être plus large ; on a appris à adapter la carte des bières au public, c’est très stratégique », dit-il.
Il faut aussi savoir vivre en apnée : investir dans des bureaux alors que les autorisations administratives ne sont pas toutes garanties, garder la foi quand l’enquête de voisinage s’éternise, ou encore… apprendre à être papa. « Il faut bien avoir une vie », sourit le jeune homme.