Allez sur le site de Bohemian, et vous ne trouverez pas de numéro ou de page de réservation. Inutile de vous présenter à la porte: les “walk ins” ne sont pas acceptés. Pour décrocher une table dans ce restaurant bien discret, une seule solution: connaître un client passé (ou le patron).
À New York, on trouve des restaurants cachés un peu partout (dans les étages, au fond de couloirs, dans les caves et mêmes les appartements), mais Bohemian pousse le concept encore plus loin. Ici, contrairement aux faux speakeasies qui peuplent la ville, le bouche-à-oreille est la règle pour entrer. D’ailleurs, au moment de la réservation, on vous demandera qui vous a recommandé. Il est possible d’envoyer directement un e-mail à Bohemian sans bénéficier de la recommandation d’un proche, mais on vous recontactera que “si les étoiles s’alignent“.
Possédé par une société japonaise appelée Play Earth, qui gère plusieurs restaurants dans le monde, Bohemian a ouvert ses portes en 2011 à l’arrière d’une boucherie japonaise haut-de-gamme sur Great Jones Street à NoHo.
Le restaurant se situe au bout d’un couloir. Il faut appuyer sur un “buzzer” pour entrer. Derrière la porte, l’attention se porte immédiatement vers un bar avec six places, orienté vers un espace relativement petit avec une dizaine de tables basses entourées de fauteuils et de sofas où des couples et des groupes bavardent dans une ambiance tamisée. Ici, on se croirait plus dans un appartement avec plein de “beautiful people” qu’au restaurant. Selon le site d’Earth Play, Jean-Michel Basquiat avait un studio dans le bâtiment et Andy Warhol y a habité.
On vous voit venir avec votre esprit suspicieux de Français: Bohemian est bon en marketing, mais savent-ils cuisiner ? La réponse est “oui”. Le soir de notre visite, la carte (japonaise avec une touche occidentale) comprenait un risotto japonais, un mac and cheese avec toast au beurre de tomate et une salade poké. Les prix s’échelonnent de 13 à 53 dollars, avec un menu degustation à 68 dollars par personne. Les plats les plus chers sont en général à partager. On y trouve notamment un succulent poulet grillé, des côtelettes d’agneau néo-zélandais et un steak de boeuf wagyu. Les amoureux de cocktails seront servis aussi. Leur coût, 14 dollars, n’est pas excessif si l’on considère leur qualité et le reste des prix new-yorkais.
Pour profiter de tout cela, il faudra tout de même prendre votre mal en patience et attendre plusieurs semaines pour une table pour deux. C’est tout le paradoxe de Bohemian: il est tellement secret qu’il ne l’est plus.