Les plus radicaux l’appellent «Little France ». L’expression a quand même un fond de vérité. Après SoHo, East Village, l’Upper East Side en leur temps, voilà que les Français colonisent le méga-quartier de BoCoCa, un acronyme pour designer les quartiers de Boerum Hill, Cobble Hill et Carroll Gardens dans l’Ouest de Brooklyn.
Même si la présence française n’est pas chiffrable – l’Ambassade de France précise qu’elle ne dispose pas de statistiques par quartier – les interviewés installés depuis plus de dix ans affirment qu’elle explose. «Environ 500 familles françaises» auraient élu domicile rien que dans le petit quartier de Carroll Gardens, estime Bette Stoltz, Présidente du South Brooklyn Local Development Corporation. «C’est beaucoup plus qu’il y a dix ans.»
Contrairement à d’autres quartiers de Brooklyn en pleine «francisation » – Park Slope, Prospect Heights ou Brooklyn Heights – la présence tricolore est particulièrement visible ici. A chaque Bastille Day, Smith Street, l’artère commerçante de Carroll Gardens, tient son célèbre tournoi de Pétanque. Mais ce n’est pas tout: envie de manger français ? Entre Provence en Boîte, «Bar Tabac, Robin des Bois, etc… vous avez l’embarras du choix. Envie d’une coiffure à la française ? C’est possible à Salon de Quartier, le salon de coiffure de Smith Street. Envie enfin de parler français ? Rendez-vous au Language and Laugther studio, un centre de langues à Boerum Hill, l’école P.S. 58 à Carroll Gardens ou Carroll Park, où de nombreuses familles francophones passent leur après-midi.
Il y a cinq ans, Leslie et Jean-Jacques Bernat, propriétaires de Provence en Boîte, ont décidé de déménager leur restaurant de Bay Ridge, dans le sud de Brooklyn, à Smith Street.
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Smith Street : le cœur français de BoCoCa
Profitant dès le début du XXème siècle du développement d’infrastructures portuaires le long du littoral de Brooklyn, Smith Street grouille d’activité. L’arrivée d’une population commerçante, aisée, contribue à son essor dans les années 30 et 40.
Mais dans les années 70, certains riches habitants quittent le quartier pour s’installer à la campagne. Une immigration ouvrière d’Amérique latine les remplace. Privée de revenus, la rue sombre dans la crise. La mafia s’installe.
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Bernard Decanali, propriétaire de « Robin des Bois », l’un des restaurants français du quartier, est arrivé il y a seize ans.
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En 1984, Bette Stoltz, qui avait précédemment contribué au décollage de Park Slope plus au Sud, est chargée par la Ville de New York de revitaliser Smith Street. Au bout d’intenses tractations avec les commerçants locaux et les propriétaires de bâtiments, ses efforts payent: vers la moitié des années 90, attirés comme d’autres par les loyers bas, les Français s’installent au compte-goutte. Mariée à un Français, Bette Stoltz facilite leur installation.
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Jean-Pierre Marquet a été l’un des pionniers de Smith Street. L’ouverture de la boulangerie/pâtisserie Marquet Pâtisserie en 1987 marque le début de la présence française dans le quartier.
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Si la première génération de Français était, selon Bette Stolz, « des aventuriers qui ont vu Smith Street remplie d’or », la seconde génération, arrivée après le 11 septembre 2001, est composée de familles plutôt aisées, attirées par la qualité de vie dans ce quartier bien desservi, relativement calme et sûr… et pourvu d’une bonne école. En effet, depuis 2005, P.S. 58 à Carroll Gardens met à disposition de ses familles francophones un programme after-school. Depuis deux ans, elle offre même un programme bilingue français/anglais qui compte cette année 100 élèves. Catherine Poisson, Présidente d’EFNY (Association Education Française à New York) est à l’origine du programme, soutenu par l’Ambassade, et habite le quartier.
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Dans ce quartier longtemps à la botte des Italiens, l’arrivée en masse de familles françaises n’a pas été toujours bien ressentie. La directrice d’origine française de P.S. 58, Giselle Gault-McGee se souvient des difficultés autour du lancement du dual-language program dans son établissement.
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Rares sont ceux qui osent prévoir l’évolution de la présence française dans les dix années à venir. Avec l’installation d’autres européens dans le quartier, notamment des Britanniques, certains interviewés pensent que BoCoCa deviendra une «Little Europe» dans l’Ouest de Brooklyn.
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