“Black Friday” désigne traditionnellement le lendemain de Thanksgiving, qui, sans être un jour férié officiel, est chômé par beaucoup d’Américains: l’occasion parfaite pour les commerçants de lancer les vastes promotions qui marquent le début de la Holiday Season. S’étendant jusqu’à Noël, cette dernière correspond à la période des courses pour les fêtes, lors de laquelle les vendeurs déploient chaque année des trésors d’imagination, et rivalisent à coups de soldes, pour faire dépenser plus que de raison les innocents consommateurs que nous sommes. Les deux points culminants de cette ripaille consumériste sont invariablement Black Friday et le dernier samedi avant le réveillon de Noël. Le premier est le plus plus gros jour de soldes en terme d’affluence, et le second le plus important en terme de chiffre d’affaire. Entre deux orgies culinaires, il s’agit donc de penser à remplir, non pas son estomac, mais ses placards.
Durant Black Friday, à peu près tout est en solde. Pour garantir le suspens, les magasins ne révèlent en général qu’au dernier moment le montant et l’ampleur de leurs promotions, mais sachez que les meilleurs deals sont souvent à faire du coté du matériel électronique et électro-ménager.
Black Friday, ce sont des magasins qui ouvrent dès minuit, d’autres à cinq heures du matin, et des queues qui se forment avant l’aube, malgré le froid ce cette fin novembre. C’est revisiter, 40 ans après les premières manifestations hippies, la notion de on-site sitting (c’est-à-dire un sac de couchage sur les marches du magasin pour les plus motivés, ou désespérés au choix). Ce sont aussi des luttes acharnées, qui vont jusqu’aux mains; des pleurs, des cris, bref de l’émotion, que vous retrouvez en temps réel dans les flash infos des médias locaux.
J’exagère? Les années précédentes, la queue se formait vers 3 heures du matin à Bloomingdales. Best Buy distribue aux premiers clients massés à l’extérieur du magasin des coupons de réductions (les “door buster deals“) à quatre heures du matin, début de la queue le jour d’avant. Ikéa sert un petit-déjeuner gratuit à partir de 6 heures. On ne sait pas si les Urgences observent une hausse des cas de suffocations et d’étouffement, mais c’est très probable.
L’origine du nom “Black Friday” remonte aux années 60 lorsque le Police Department de Philiadelphie écrivait dans ses rapports que la cohue des soldes générait des embouteillages en pagaille dans les rues de la ville. Quelques années plus tard, les médias lui ont attribué une nouvelle signification, frappé du sceau de l’idéologie capitaliste. “Black Friday” fait référence à l’expression “to be in the black“, c’est-à-dire avoir des rentrées d’argent, par opposition à “to be the in red“, c’est-à-dire être dans le rouge. Juste derrière Noël, c’est durant cette période de l’année que les commerçants réalisent leurs plus grosses ventes, et pour certains, ces profits records dépassent parfois l’ensemble de leur chiffre d’affaire sur l’année écoulée. En moyenne, Black Friday représente 10% du total des ventes de la Holiday Season, soit près de 10,3 milliards de bénéfices en 2007 (source: ShopperTrak National Retail Sales).
Un chiffre que beaucoup doutent atteindre cette année. Pour la première fois depuis que des statistiques sur les soldes sont publiées, les experts s’attendent à une baisse des profits par rapport à l’année passée. Une chose qui ne s’est encore jamais vue, puisque d’année en année, ce chiffre était en constante augmentation. En cause: la crise économique, des ventes en chute libre ces derniers mois, le gonflement des stocks d’invendus, et donc des magasins acculés à sacrifier leur marge pour pouvoir écouler leurs produits.
La presse américaine a déjà renommé ce Black Friday “Bleak Friday” (“Vendredi Sinistre”), et le NY Post titrait lundi 23 octobre sur un “Black Friday turning Red”.
Paradoxalement, les revendeurs n’ont jamais autant compté sur ce week-end pour rattraper une saison de pertes en cascade. Beaucoup jouent leur survie, ou leur dépôt de bilan, avec le lancement des soldes ce vendredi. Avec 44 millions de pertes annoncés il y a quelques jours pour le troisième trimestre 2008 (contre 33 millions de profit l’année dernière à la même époque), autant dire que la Parade de Macy’s aura cette année un gout particulièrement amère, et que les marionnettes et autres chanteurs de variété devront séduire les consommateurs, puisque le groupe espère quand même maintenir un chiffre d’affaire positif l’année prochaine.
Si vous faites parties des heureux acheteurs qui aient l’attention de participer à ce festin d’étiquettes dégriffés, voici quelques trucs et astuces:
– Vous pouvez retrouver les offres promotionnelles des magasins sur des sites spécialement conçus à cet effet: www.black-friday.net; www.blackfriday.info; bfads.net.
– N’oubliez pas qu’il y a aussi d’énormes réductions pour le shopping online, si vous voulez éviter les queues et la foules.
– Lundi prochain, c’est-à-dire le lundi d’après Thanksgiving, est appelé le “Cyber Monday“. Signification: le Black Friday des achats en ligne.
– Black Friday n’est que le début de la Holiday Season. Toutes les bonnes affaires vont se poursuivre, voire s’intensifier, jusqu’à Noël.
– Attention, dans beaucoup de magasins, vous ne pourrez ni échanger ni rembourser vos achats. Soyez donc sûrs de votre choix (même si c’est à moins 60%. Quelque chose de trop petit en réduction reste trop petit, sachez-le)