Des pizzas en plein milieu de l’après-midi, un château gonflable géant, une avalanche de cadeaux, et toute une classe réunie, sans compter les frères et sœurs et parents, pour souffler les bougies du héros du jour… Pour les Français installés aux États-Unis, les premiers anniversaires des copains d’école sont souvent l’occasion d’un gros choc culturel. Ici, toutes les folies (et tous les budgets) sont permis pour célébrer le birthday boy ou la birthday girl : bowling, laser game, jeux vidéos, show de magicien, ou même démonstration de reptiles… Il est loin le traditionnel jeu des chaises musicales de votre enfance avec vos meilleurs copains !
Alors, quand vient le tour de votre chérubin, vous voilà face à un dilemme… Craquer pour une party XXL à l’américaine, ou opter pour un goûter plus traditionnel à la française ? Faut-il renoncer à vos valeurs, l’écologie, le fait maison, les cadeaux intelligents, pour réussir l’intégration de vos rejetons au pays de l’Oncle Sam ? Loin d’être anecdotique, la question touche, chez les expats, à des sentiments profonds et contradictoires.
Difficile de soupçonner combien les birthday parties américaines diffèrent des traditions françaises avant de l’avoir expérimenté. « Quand je suis arrivée à Atlanta, j’ai été nanny pendant 6 mois dans une famille aisée, où le papa venait d’Inde et la maman du Costa Rica, se souvient Charline, aujourd’hui maman de trois enfants, à Los Angeles. Quand j’ai été invitée à l’anniversaire des 1 an de leur fils, je me suis dit : Wahou, mais qu’est-ce que c’est que ça ? Faire venir un poney dans le jardin, commander un gâteau à 500$, pour moi, c’était complètement disproportionné, surtout que l’enfant n’en garderait aucun souvenir. J’ai compris à quel point c’était un événement social. »
Installée dans le Comté d’Orange, en Californie, Alexia a eu la même stupéfaction en assistant pour la première fois à l’anniversaire d’une copine de sa fille, 3 ans, sur le thème de la Reine des Neiges. « Il y avait un stand où on pouvait faire sa propre glace, un monsieur qui faisait des ballons, un magicien, du maquillage, et, clou du spectacle, la princesse Elsa est apparue… Pourtant, nous n’habitons pas à Beverly Hills, cette famille n’était pas particulièrement riche, s’étonne encore cette Belge. En sortant, j’ai dit à mon mari : “Jamais un truc pareil !” »
Trois ans plus tard, Alexia et son mari craquent pourtant, en organisant pour Beatrix, 6 ans, l’anniversaire de ses rêves sur le thème Rock Star. « C’était un gros sujet chez nous pendant longtemps et on a succombé, confie la maman. Ma belle-sœur allait monter une société de party favors à l’américaine en Belgique. Elle nous a demandé si elle pouvait faire des tests chez nous. Sinon on ne l’aurait jamais fait » justifie-t-elle. Alexia ne ménage pas sa peine. Toute la classe de sa fille est invitée, en plus des copains francophones : 40 enfants en tout, sans compter leurs parents.
Kinder bueno et pringles customisés, maquilleuse, cake spécial, baudruches en forme de guitares électriques… L’anniversaire est un succès, mais laisse à Alexia et son mari une facture salée de 2000$ et un souvenir mitigé. La montagne de cadeaux offerts à leur fille en est l’illustration. « Il y avait 40 familles, et ma fille a reçu 40 cadeaux. C’est toxique, regrette Alexia. Nous avons décidé de n’ouvrir que cinq cadeaux par semaine. Beatrix trouvait ça très injuste. À chaque cadeau, on envoyait une photo de remerciement à la personne qui l’avait offert. On a mis deux mois à en venir à bout ! »
La mère de famille s’interroge sur le sens d’une telle fête, qui restera, pour eux, une exception. « Pourquoi on l’a fait ? Pour faire comme les Américains, pour ma belle-soeur ou pour Béatrix ? Je ne sais pas, confie-t-elle avec franchise. L’objectif était d’abord de rendre les invitations. »
Pour Charline aussi, difficile de résister à cette injonction. « Toute l’année, ma fille avait assisté à des anniversaires de ce type, et je sentais la pression sociale de faire un truc aussi bien que ses copines, affirme la maman. Pour elle, c’est le plus beau jour de sa vie. » Mais après avoir cassé sa tirelire à plusieurs reprises pour organiser les choses en grand, elle a décidé de dire stop, en expliquant à ses enfants que désormais, les anniversaires se fêteraient en petit comité.
« Tu te retrouves avec plein de cadeaux dont ton gamin n’a pas besoin, une tonne de machins en plastique. Cette société de consommation me dérange. Et puis c’est trop de boulot, trop d’argent », martèle la Française. Son astuce face au raz-de-marée de cadeaux ? Pratiquer le « regifting » en mettant de côté certains jouets… pour les anniversaires des copains.
« Ce qui m’importe, c’est de célébrer la personne et de créer des souvenirs. J’ai expliqué à mon fils que j’allais le faire rêver autrement, poursuit Charline. Je vais l’emmener manger une glace avec son meilleur copain le jour de son anniversaire, et le dimanche, on ira tous faire du mini-golfe en famille. »
Face à la surenchère des birthday parties, certaines familles font le choix de la simplicité et de la convivialité. Arrivée il y a un an à Los Angeles, Camille, maman de 4 enfants, aime organiser des anniversaires plus simples, à la française. Pour son fils, Thibaut, pas de laser game mais un rendez-vous au playground, des gâteaux faits maison à la place des pizzas, des bricolages à la place des goodies en plastique…
« Tout le monde a noté qu’on avait fait différemment. Les parents m’ont remerciée d’avoir fait un anniversaire simple, ils ont dit que ca faisait du bien aux enfants », se félicite-elle. De même, pour les 7 ans de sa fille, Alexia a opté pour un goûter à la cool au parc, avec une dizaine d’enfants, un brownie maison et des tacos pour les parents : « Ils étaient contents d’être dehors et de jouer tous ensemble. C’était beaucoup plus petit et plus sympa. » Les enfants, eux, se souviendront toute leur vie des anniversaires fêtés aux États-Unis.