Bernard-Henri Lévy est de passage à Los Angeles pour présenter son dernier ouvrage « The Will to see : Dispatches from a World of Misery and Hope » aux éditions Yale University Press, une adaptation de la version française « Sur la route des hommes sans nom ». En amont du booktalk organisé le 31 octobre prochain au Wilshire Boulevard Temple (Glazer Campus) et de la projection du documentaire « The will to see », le 1er novembre à l’American Cinematheque, French Morning s’est entretenu avec le philosophe et écrivain.
Sorti en version française en mai 2021, le dernier ouvrage de Bernard-Henri Lévy vient de paraître en anglais. Il rassemble les reportages commandés en 2020 par Paris-Match, le quotidien italien La Repubblica, le magazine allemand Stern et le Wall Street Journal. Une série de voyages-enquêtes au moment où la crise sanitaire s’abattait sur le monde, qui emmène le lecteur dans le Nigeria de Boko Haram, au Kurdistan d’Irak et de Syrie, sur l’île de Lesbos et ses camps de réfugiés, en Libye, en Ukraine, en Afghanistan ou encore dans les régions de Somalie et du Bangladesh.
Huit pays en une année
« A travers ces reportages et ce livre, j’ai voulu rendre le monde des invisibles un peu plus visible, explique Bernard-Henri Lévy, et témoigner de la situation de régions de la planète oubliées. Pendant une année, j’ai sillonné huit pays, tenté de raconter la détresse des chrétiens d’Occident du Nigéria massacrés par les islamistes Fulanis ou l’enfer de Mogadiscio en Somalie, un pays soumis aux attaques permanentes, aux attentats-suicides des groupes terroristes. Des pays où nos soucis d’occidentaux nantis prennent une autre mesure. »
Accompagné d’une caméra, Bernard-Henri Lévy remet notamment les projecteurs sur le Bangladesh, cinquante ans après sa première venue en 1971 (alors Bengale oriental) pendant la guerre de libération contre le Pakistan, une région pour laquelle il joua un rôle dans la libération avant de participer à la construction de cette jeune nation au ministère de l’Économie et du Budget.
« Je n’ai pas tout reconnu ici. La géographie a profondément changé, les côtes ont reculé de centaines de mètres, certains quartiers ont été engloutis par la mer, raconte Bernard-Henri Lévy. J’ai vu ici les effets désastreux du réchauffement climatique et la grande misère qui l’accompagne. Au camp de réfugiés rohingyas de Cox’s Bazar qui compte plus d’un million de personnes, j’ai aussi vu la vaillance d’hommes et de femmes prêts à aider, à partager le peu qu’ils ont. Une humanité et une dignité d’une immense exemplarité ».
« Être là où peu sont »
Un autre reportage est consacré à l’île de Lesbos et au camp de Moria, avant l’incendie qui l’a ravagé en septembre 2020 dans un chapitre intitulé « The Devil made a Stop at Lesbos » (« Le Diable s’est arrêté à Lesbos »). Un récit poignant sur la situation sanitaire de milliers de réfugiés et le sort particulièrement cruel réservé aux enfants. « Des situations qui vous renvoient au désespoir humain mais où, malgré tout, la flamme de l’humanité brûle encore. »
Consacrant un premier chapitre, « My creed » (« Mes croyances »), à sa carrière et au sens de sa mission, Bernard-Henri Lévy explique ce qui conduit un philosophe et reporter de guerre à aller au bout du monde, à témoigner pour des guerres et des peuples laissés dans l’indifférence générale, revient sur les valeurs encore valides des rêves de l’internationalisme et sur son goût inépuisable de l’aventure.
« Je me bats pour gagner et pour convaincre en permanence, dit-il. L’idée de ce chapitre est de transmettre aux jeunes générations mon expérience, mes croyances, mon goût du voyage et surtout les raisons d’être dans l’action et l’engagement. En Occident, à Los Angeles comme à Paris, des organisations, des syndicats, des partis politiques sont là pour dénoncer et réparer. En revanche, peu nombreux sont ceux qui s’intéressent au sort de Mogadiscio ou du Nigeria avec l’extrême violence exercée par Boko Haram. Être là où peu sont, voilà le rôle d’un intellectuel ».