Une semaine après avoir closé la vente de sa société Simplifield à l’américain Field Agent, son cofondateur et CEO Benjamin Zenou est sur le pont. Il a annulé sa semaine de vacances, trop de choses à faire. L’occasion pour French Morning de lui parler de son vécu d’entrepreneur français aux États-Unis, et l’histoire de la cession de son entreprise à un groupe américain.
L’aventure commence en 2013 lorsque Benjamin Zenou et Jonathan Attal lancent Simplifield, une application pour permettre aux marques de piloter leurs opérations dans leur réseau de distribution, que ce soit en magasin, travel retail etc. Rapidement, la jeune pousse signe avec de gros clients comme LVMH et L’Oréal et, après un tour d’amorçage de 4 millions d’euros en France en 2017, les deux entrepreneurs réalisent qu’il leur faut accompagner ces grands groupes de façon globale.
En 2018, la start-up fait un test aux États-Unis avec le programme Impact de 10 semaines de Business France. « J’ai rencontré la première génération d’entrepreneurs – les Français qui ont réussi aux États-Unis – : Ilan Abehassera, Jonathan Cherki, Jonathan Benhamou, qui m’ont expliqué les coûts et le go-to market. À notre surprise, le produit a reçu beaucoup de traction, ça nous a motivés à venir nous lancer sur le marché américain », raconte Benjamin Zenou. En l’espace de quelques mois, il vend son appartement à Levallois-Perret, finalise son visa et vient s’installer avec sa femme et ses enfants à New York à la rentrée 2018.
Rapidement, Simplifield recrute une dizaine de personnes dans ses bureaux à Soho et boucle un tour de table de série A de 11 millions de dollars en janvier 2020. C’est à ce moment qu’éclate la pandémie. « Notre application est utilisée uniquement avec les magasins physiques donc cela a été très difficile au début », explique le CEO. Il parvient à garder le même nombre de clients en 2020, mais l’usage de l’application tombe en flèche. Pourtant, le challenge Covid crée des opportunités, puisque Simplifield se positionne comme un outil précieux pour les entreprises : il permet aux dirigeants d’avoir des informations opérationnelles sans se déplacer sur les réseaux de distribution. « En 2021, nous avons connu une belle reprise, et enregistré 40 % de croissance ».
Au plan personnel, Benjamin Zenou décide de quitter l’Upper West Side, car l’école ne reprend pas en présentiel et le quartier, où de nombreux hôtels sont réquisitionnés pour loger des sans-abris, devient moins sûr. Il décide de poser ses valises avec sa famille à Miami. « Huit de mes dix employés avaient quitté New York. Quand j’ai voulu rouvrir les bureaux, le retour était négatif donc nous sommes passés à 100 % en remote ». La startup a révisé les contrats en fonction des différents États où sont basés ses employés. De son côté, Benjamin Zenou apprécie la nouvelle scène tech arrivée en Floride pendant la pandémie, la fiscalité et, bien sûr, la météo.
Le sujet de la vente de Simplifield s’est ouvert lorsque quatre de ses concurrents directs se sont adossés à de gros groupes de logiciels et de CRM en l’espace de 12 mois. « Nous avons réalisé qu’en stand-alone, nous n’aurions bientôt plus la taille critique pour répondre à de gros projets et être performants et compétitifs. Nous connaissions Field Agent car nous sommes dans le même univers, mais ils sont plus à destination de la grande distribution ».
Simplifield a choisi un process en direct et après avoir reçu plusieurs marques d’intérêt, la vente à Field Agent est rapidement devenue une évidence. « Nous sommes très complémentaires : ils sont surtout présents sur le continent américain alors que 75 % de nos revenus sont en Europe, leurs clients sont dans la distribution et nous sommes très présents dans le luxe et les cosmétiques. Enfin, ils ont une offre de services d’automatisation et nous sommes un software ».
La taille de l’acquéreur a aussi compté : 150 personnes contre une cinquantaine pour Simplifield. « Nous n’avions pas envie d’intégrer un mastodonte. Les deux parties étaient excitées de faire cette opération, les dirigeants de Field Agent sont venus une semaine en France pour rencontrer les équipes ». Au plan managérial, Benjain Zenou a choisi la transparence, et très tôt parlé d’une nouvelle opération de financement. « Je suis très opérationnel, mes équipes ont tout de suite vu que j’étais pris par autre chose ».
Une fois reçu la lettre d’intention, il a informé son comité exécutif pour aider dans la due diligence. Et le choc culturel ? Une crainte des deux côtés reconnaît le CEO. « La France a mauvaise réputation au plan du marché du travail pour de mauvaises raisons, on a beaucoup expliqué ». Des différences d’habitudes aussi : Simplifield a pris le temps d’aller voir tous ses clients pour expliquer l’opération, tandis que Field Agent les a informés par mail. « Les Américains sont plus directs, on apprend plein de choses les uns des autres, c’est ce qui rend ce genre d’opération intéressante ». La seule chose qui n’aura pas convaincu les Américains : le tartare de bœuf parisien.