AZERTY vs QWERTY. Clavier français contre clavier américain. Pourquoi n’existe t-il pas un seul et unique modèle de clavier universel? C’est la question bête de la semaine !
L’organisation des touches sur un clavier ne date pas d’hier. Cette invention remonte à bien avant l’époque des ordinateurs. Souvenez-vous de son ancêtre : la machine à écrire. Un de ses inventeurs, Christopher Latham Sholes, en 1873 s’est rendu compte que la disposition par ordre alphabétique mettait côte à côte des lettres souvent utilisées ensemble en anglais notamment (b-a ou d-e par exemple), conduisant les marteaux tampons de la machine à se chevaucher. En disposant autrement les lettres, Sholes a fait en sorte que les touches fréquemment utilisées ensemble se retrouvent éloignées sur le clavier. Les lettres de la première ligne sont en outre sélectionnées pour pouvoir constituer le mot “typewriter”, afin que les vendeurs puissent facilement écrire le nom de la machine lors de leurs demonstrations.
Le clavier QWERTY servait donc à régler un problème mécanique et non pas à améliorer l’ergonomie ou la vitesse de frappe. Rapidement le clavier est adopté dans tous les pays à alphabet latin, avec quelques adaptations mineures (QWERTZ en Allemagne et dans la majorité des pays d’Europe de l’Est par exemple). Mais en France l’adaptation va un peu plus loin qu’ailleurs et donne naissance au fameux AZERTY. L’origine exacte de cette exception française est inconnue des historiens mais elle semble s’être imposée progressivement au cours de la première décennie du XXème siècle explique l’historienne Delphine Gardey dans dans un article très savant sur le sujet.
Le fait qu’à l’époque la majorité des machines vendues en France sont importées, des Etats-Unis notamment, n’empêche pas à l’exception de prendre racine. Les fabricants américains acceptent de produire des machines adaptées pour le marché français. Mais quant à savoir pourquoi AZERTY, le mystère reste entier. Une chose est sûre: il n’est pas mieux adapté à la frappe de la langue française que son cousin. Québecois et Suisse francophones utilisent d’ailleurs des claviers QWERTY, avec des touches spéciales pour les accents.
Force de l’habitude
Une tentative d’imposer une clavier mieux adapté à la langue française – et permettant donc de taper beaucoup plus vite- conçu par un certain Albert Navarre en 1907, finira par échouer, note Dephine Gardey. Ultérieurement, les autres essais, en France ou ailleurs (tel le Dvorak dans les années 1930) ont toutes connu le même sort. En France, en 1976, une norme officielle a même été adoptée à titre d’essai pour un clavier QWERTY. En vain là aussi.
Cette histoire du clavier est d’ailleurs devenue un exemple classique évoqué par les économistes qui s’intéressent à la théorie dite de “path dependency” (littéralement dépendance au chemin emprunté) qui explique comment des décisions ou des pratiques passées peuvent guider des décisions en dehors de toutes rationnalité. En l’occurrence, la domination des claviers QWERTY et AZERTY n’a pas d’autre raison d’être que leur antériorité.