Avant que l’expression remote work n’entre dans le vocabulaire de tous les jours, Christophe Garnier a monté Upflex, un Airbnb du co-working dédié à la location d’espaces de travail en tout genre. Loin de couler son jeune business, la crise sanitaire – et de bons choix stratégiques – l’ont ancré dans le marché florissant du travail hybride, dans lequel le monde corporate a été précipité du jour au lendemain bien malgré lui.
L’an dernier, l’entrepreneur français basé à New York et son associée Ginger Dhaliwal ont multiplié les « coups » : ouverture d’un QG européen à Londres, partenariat avec un géant de l’immobilier en Inde…
En février dernier, Christophe Garnier a annoncé un partenariat avec WeWork pour intégrer en exclusivité les bureaux de l’entreprise de co-working à sa plateforme et permettre à ses clients d’accéder au catalogue d’Upflex. « Un gros acteur du marché a essayé de nous racheter il y a un an et on a refusé. On s’est rendu compte qu’on préférait s’associer à une grosse boîte qui pouvait nous donner plus de crédibilité. Nous sommes donc allés voir WeWork, explique-t-il. Certes, nous avons levé 8 millions de dollars. C’est bien, mais c’est loin des sommes que récoltent les grandes compagnies. Nous restons une start-up. Par conséquent, beaucoup de clients se demandaient si nous allions encore exister dans un ou deux ans ».
À l’origine de cette nouvelle aventure entrepreneuriale, il y a un « mur », celui auquel s’est heurté Spark Labs, l’espace de co-working fondé par Christophe Garnier centré sur les pépites françaises et européennes de la tech, lors de ses efforts de levée de fonds. « Nous étions une boîte de co-working de plus en quête de financements », résume-t-il. Il a donc fallu partir à la recherche d’un nouveau modèle pour se démarquer. Le Français s’intéresse alors au marché des espaces de travail flexibles et à la question de la satisfaction des employés.
Il découvre notamment l’application «B to B» Gympass, qui vend des accès aux salles de sport aux départements de ressources humaines des grandes entreprises qui, à leur tour, les proposent à leurs centaines voire milliers d’employés. « On a donc créé un croisement entre Airbnb et un modèle B to B à la Gympass pour vendre des abonnements de co-working aux responsables de ressources humaines », explique-t-il. L’avantage pour les entreprises : louer des espaces de travail pour des périodes variables sans être soumises aux obligations d’un bail, « le cauchemar numéro 1 de toutes les grandes boîtes ».
La plateforme d’Upflex propose aujourd’hui plus de 5 500 espaces en tout genre (simples bureaux, salles de réunions, bureaux privés…) dans quatre-vingt pays et neuf cent villes. Selon Christophe Garnier, l’offre a explosé après la mise en place de SafeSpaces, un protocole établi lors de la pandémie par Upflex avec un membre des CDC (Centers for Disease Control) pour garantir la sécurité sanitaire des co-workings. Le Français et ses équipes ont contacté des gestionnaires d’espaces dans le monde entier pour leur vendre ce « label » inspiré d’une initiative développée au même moment au sein de l’hôtellerie pour encourager les clients à revenir. « Notre réseau est passé de 1 700 options à plus de 5 000 », se félicite-t-il.
Cette forte croissance a tapé dans l’œil des grands promoteurs immobiliers (JLL, Colliers, Newmark…) qui ont reconnu les avantages de ces solutions flexibles pour leur clientèle de grandes multinationales contraintes de se convertir au travail à distance. « Les employés travaillaient depuis deux ans de chez eux. Personne n’allait retourner au bureau tous les jours », résume Christophe Garnier.
Grâce à ses partenariats avec les acteurs de l’immobilier, la plateforme a décroché de beaux deals. Parmi ses prises : Schneider Electric, « notre premier contrat à plusieurs millions de dollars ». Au total, une trentaine de grandes et moyennes entreprises, dont un géant de l’informatique et de l’alimentaire, figurent dans son portefeuille de clients. « Nous sommes passés d’une petite boîte de Human Resources Tech visant les start-ups et les PME à une société de Property Tech travaillant avec les plus grandes entreprises du monde. »
Pour sa part, Upflex a aussi besoin de nouveaux bureaux : elle prévoit de passer de 50 employés aujourd’hui à 120 d’ici la fin de l’année. Mais Christophe Garnier ne se repose pas sur ses lauriers. Il veut élargir son offre à d’autres entités proposant des espaces de travail, comme les hôtels, dont les lobbies ou les chambres peuvent être convertis en bureaux. « Beaucoup de gens ont quitté les grandes villes pour de petites municipalités, où le co-working n’existe pas. En revanche, il y a des hôtels ! », observe le Français. Au total, le marché des lieux de travail flexibles doit atteindre 107 milliards de dollars dans le monde d’ici 2026.
Selon Christophe Garnier, le changement des habitudes de travail causé par la pandémie n’est pas passager. « On ne va pas revenir en arrière. Nous sommes dans une vraie phase de transition vers un modèle où l’employé maîtrise davantage sa vie et ses horaires. C’est génial ! Cela va permettra à des millions de personnes de passer plus de temps avec leur famille, d’assouvir leurs passions… Pour les entreprises, cette flexibilité est un outil d’acquisition et de rétention de talents, de productivité accrue… Il n’y a que des avantages, mais cela doit être organisé et planifié. »
Le site d’Upflex