Il était deux heures du matin, jeudi, au Portugal, quand Donald Trump a annoncé la suspension des voyages en provenance d’Europe pour trente jours. Réveillé pour suivre l’allocution présidentielle, le Français de New York Andy Rodrigues, en visite dans le pays européen pour voir sa grand-mère, s’est immédiatement mis à la recherche d’un nouveau vol retour avant vendredi, jour de l’entrée en vigueur des restrictions.
Titulaire d’un visa d’entrepreneur E-2, Andy Rodrigues ne fait pas partie des exemptions précisées dans la Proclamation présidentielle publiée mercredi 11 mars. Seuls les citoyens américains, les titulaires de cartes vertes et les membres de leurs familles le sont. “J’ai regardé sur le site de la TAP, la compagnie aérienne portugaise, pour trouver des Lisbonne-New York. Mais le paiement ne passait pas à cause de bugs. J’ai essayé dix fois !, s’exclame cet entrepreneur, co-fondateur des crêperies By Suzette. A chaque fois que je recommençais, le prix augmentait. Il est passé de 310 dollars à 3 500 dollars !” Il a donc dû se faire une raison: il devra rester en France pendant trente jours.
En déplacement professionnel en France, Laura Casagrande a, elle, été réveillée à cinq heures du matin par les appels répétés de son mari resté à New York. Celui-ci voulait l’urger à prendre un vol retour sans attendre. Employée chez l’importateur de vins T Edward Wines, elle devait rentrer samedi, au lendemain de l’entrée en vigueur du “travel ban“. Titulaire d’une carte verte, elle n’est pas concernée par la mesure. Mais elle ignorait cette information quand elle s’est mise à chercher des solutions désespérément tôt jeudi matin. “Je suis allée sur Kayak, Air Canada… J’ai appelé mon frère qui vit à Montréal pour pouvoir éventuellement prendre une voiture pour aller aux US après. J’ai pensé à tout. J’ai essayé d’acheter des tickets mais le paiement ne passait pas”.
Face aux prix prohibitifs – “3 800 dollars sur Air France!” -, elle était prête à renoncer quand son patron lui a annoncé qu’il avait un billet d’avion pour elle. Elle décollera donc vendredi pour retrouver son mari et sa fille. L’expérience lui laisse cependant un goût amer. “Les assurances annulation ne marchent pas. Elles ne répondent pas au téléphone ou ne rappellent jamais. Et quand elles le font, elles disent qu’il faut remplir un dossier qui sera pris en charge sous dix-quinze jours”.
Marie-Laure Terzias, qui devait se rendre à Miami pour fêter l’anniversaire d’une amie, a reçu “36 000 messages” lui demandant si elle allait pouvoir voyager. “C’était affreux. J’ai passé toute la matinée à téléphoner au consulat, à l’Ambassade… J’ai eu Air France au bout de trente minutes. Je n’avais aucun renseignement. Tout était confus”. Son vol prévu jeudi n’a pas été annulé, mais Air France et l’aéroport de Miami lui ont déconseillé de le prendre. “Connaissant Trump, cette mesure ne m’étonne pas trop“, ajoute-t-elle au sujet de l’interdiction qui porte sur les pays de l’espace Schengen.
“Au final, l’idée de prendre cette décision pour éviter au maximum la propagation du virus n’est pas une grande surprise, elle est même plutôt cohérente lorsque l’on pense à l’Italie ou d’autres pays plus touchés“, abonde Coralie Giroud, une Française de Bruxelles qui voulait venir profiter de New York pour douze jours en mars. Son vol aller, prévu jeudi, a été maintenu mais pas son retour. Elle préfère voir le verre à moitié plein. “Ce n’est pas annulé, juste reporté”, dit-elle.
Andy Rodrigues aussi veut faire contre mauvaise fortune bon coeur. Il devra certainement reporter l’ouverture de la sandwicherie qu’il voulait lancer à New York, mais il se dit que cette situation lui permet de prendre “des vacances imposées”.