Le monde entier célèbre la “Journée de la Terre” le 22 avril. Aux Etats-Unis, le sujet de l’environnement reste clivant. Selon un sondage du très sérieux institut Pew publié le 19 avril, même si une part croissante des Américains dit depuis 2008 que la protection de l’environnement devrait être une priorité du président et du Congrès, démocrates et républicains se divisent sur les bienfaits des politiques environnementales pour l’économie: 45% des démocrates disent qu’elles font plus de bien que de mal, contre seulement 11% des républicains. Ils ne sont pas non plus d’accord sur la responsabilité de l’Homme dans ce phénomène.
Malgré cette situation, plusieurs Français ont pris leur baton de pèlerin. Parmi eux, Stéphanie Regni, fondatrice de Fillgood, une entreprise de livraison à domicile de produits ménagers et de soin du corps sans plastique. “Je trouve ça génial qu’il y ait une Journée de la Terre chaque année, mais il faudrait que les gens changent leur quotidien tous les jours”, raconte la Française de la Baie de San Francisco. “La grande majorité des Américains n’a pas conscience de l’impact qu’ils ont sur l’environnement. C’est le pays de la surconsommation et l’impact sur la planète est énorme”, regrette Stéphanie Regni.
Malgré tout, cette expatriée arrivée aux Etats-Unis en 2014 ne ménage pas sa peine. Au début, elle a commencé à fournir des personnes qu’elle connaissait et organisait des ateliers. “J’ai reçu un bon accueil, en particulier de la communauté française”. Puis, on l’a invité à s’occuper de la page Zero Waste San Francisco sur les réseaux sociaux. Grâce à l’intérêt grandissant pour les produits durables, Fillgood a ouvert son propre espace de remplissage et sa boutique en mars 2019. “Aujourd’hui, les consciences ont changé. Il y a une grosse prise de conscience autour des déchets plastiques”, se réjouit-elle.
Basée à Minneapolis (Minnesota), Delphine Pilarski a créé son site internet My ZeroKit en novembre 2018, pour partager ses astuces sur la vie en zéro déchet. “Le recyclage n’est pas la solution, le meilleur déchet est celui que l’on ne produit pas”, répète la maman de deux enfants âgés entre 5 et 11 ans. Son site regorge de conseils précieux : où acheter en vrac, où trouver des consignes de lait, ou stopper les pubs dans la boite aux lettres…
Delphine Pilarski a également mis en place des séances de coaching individuel ou en groupe pour 40 dollars/heure, afin d’aider ceux qui souhaitent tenter l’expérience du zéro déchet. “Je montre ma maison, et après une heure de coaching je donne des règles à respecter avant notre prochain rendez-vous. Par exemple : arrêter les bouteilles d’eau. Deux semaines après, je revois la personne pour faire un bilan. Au bout de deux séances, on voit déjà la différence”, assure la coach.
“La crise environnementale interpelle aussi les Américains“, affirme-t-elle en évoquant certains groupes environnementaux influents comme “Mother out Front” ou les communautés “Zero Waste”. “Je pense que la prise de conscience se passe grâce aux communautés”, insiste cette éternelle optimiste. “Le zéro déchet est faisable partout et par tout le monde”.
Elle organise également des présentations dans les écoles publiques américaines. “L’éducation au sein des écoles est la clé de voûte “, poursuit la formatrice. Elle sera d’ailleurs présente à l’Alliance Française de Minneapolis le 27 avril, pour participer à une discussion et des atelier pédagogiques pour les enfants sur la protection de l’environnement et sur la planète.
“Toutes les actions sont louables. Elles dépendent du temps de chacun, de sa personnalité de ses moyens“, juge Luc Hardy, explorateur-documentariste-entrepreneur-photographe français basé dans le Connecticut. Pour sa part, le dirigeant du fonds d’investissement Sagax, impliqué dans le combat depuis les années 90, entend utiliser toutes les cordes à son arc pour lutter contre le changement climatique: expositions photo, conférences, investissements dans des nouvelles technologies ou dans des initiatives destinées à montrer les bouleversements du climat…
Dans le cadre de son organisation Pax Arctica, il monte et finance des expéditions scientifiques qui l’ont notamment emmené dans des contrées reculées de l’Arctique. Il en a fait des documentaires. Son dernier, Arktika Incognita, basé sur un voyage avec des sportifs et des artistes dans les îles de Nouvelle-Sibérie en 2017, a été acheté par Arte pour diffusion dans le courant de l’année. “J’ai découvert la puissance du cinéma. Cela donne un levier plus important. On m’appelle plus aujourd’hui pour co-produire des films que pour des start-ups, glisse-t-il. Chacun a sa manière de parler de changement climatique. Il y a des publics-cibles différents et c’est très bien. Mais on a vu que le dramatisme ne marchait pas. Ceci dit, dire que la nature est belle n’est pas la solution non plus“, estime-t-il, à propos des documentaires qui sortent régulièrement sur le changement climatique. Cet amoureux des voyages cite l’actuelle série “Our Planet”, sur Netflix, comme un bon exemple d’équilibre entre mise en valeur de la nature et sensibilisation du grand public.
Est-il optimiste ? “Au niveau planétaire, on ne peut pas s’empêcher d’être pessimiste. On est proche de l’abîme. La technologie de capture du carbone est le seul développement majeur qui peut nous aider si il est mis en oeuvre de manière rapide et économique, mais nous ne pouvons pas devenir paresseux: la tech peut nous sauver mais cela ne sera peut-être pas le cas”. Il juge “catastrophique” l’action du gouvernement Trump, mais “au niveau des villes, des Etats et des communautés, même chez les républicains, on constate qu’on est obligé de faire quelque chose”.
Marie Demeulenaere (Washington) et Alexis Buisson (New York)