Des boules qui glissent d’une page à l’autre, de la peinture bleue-jaune-rouge qui dégouline, des textes spontanés : le style d’Hervé Tullet se reconnait tout de suite.
Si vous n’avez pas d’enfant de moins de dix ans dans votre salon, vous ne connaissez sans doute pas cet auteur, qui a connu un gros succès avec “Un livre” (“Press here” en anglais). Depuis sa sortie en 2010, il s’en est vendu plus d’un million d’exemplaires dans le monde. “Press Here”, couronné de multiples prix, figure dans la fameuse liste des “best-sellers du New York Times” depuis cinq ans.
A l’automne dernier, Hervé Tullet a quitté le 17ème arrondissement de Paris pour s’installer dans un brownstone de Harlem, avec sa femme journaliste et leur fille cadette de 15 ans.
“On est parti très légers. On a vendu Paris, on a juste gardé notre maison en Normandie, près d’Avranches”, dit-il en préparant un café, chaussé de lunettes à montures épaisses noires. “L’idée, c’était de venir à New York pour puiser cette énergie. C’était quelque chose qui me manquait en France, où j’avais l’impression que mon espace était limité.”
Hervé Tullet s’est fabriqué un atelier en haut de sa maison. Il y peint en écoutant du Miles Davis et du blues, tout en respirant cet nouvel air new-yorkais. “Le regard d’étranger, ca créée un nouveau rapport au monde, une nouvelle dynamique”, commente Hervé Tullet, qui, dans sa précédente vie, était directeur artistique dans la pub. “La seule chose de France qui me manque, ce sont les orange maltaises.”
En réalité, Hervé Tullet n’a pas l’air très nostalgique de la France, un pays où il nous raconte qu’il étouffait dans le monde de la littérature jeunesse, alors qu’il se considère comme un artiste et performeur. “J’ai pas envie de mettre la littérature jeunesse dans un moule de littérature jeunesse, mais plutôt dans un rapport à l’art, et dans la recherche d’interaction et de spontanéité.”
Des performances, il en a déjà fait des dizaines partout dans le monde. Le mois dernier, il était à la librairie new-yorkaise Albertine, où, mégaphone en main, il dirigeait des enfants chargés de réaliser avec de la gouache une oeuvre collective sur des longues feuilles étalées au sol.
Ce mois-ci, il est invité dans d’autres lieux new-yorkais. “Aux Etats-Unis, les choses avancent plus vite, j’ai une reconnaissance que je n’ai pas en France. Les musées m’ouvrent davantage leurs portes. Pour le dire très vite, à New York, je vais faire le Guggenheim et le Moma, alors que je n’ai jamais été invité au Palais de Tokyo ou à Beaubourg”, balance Hervé Tullet.
Artiste un peu barré et auteur de blockbusters, Hervé Tullet se considère volontiers comme un “ovni” qui, un peu par hasard, a tapé dans le mille, et trouvé un langage “qui marche avec tout le monde” aussi bien en Corée qu’en Allemagne ou au Texas.
“Il y a un universalisme que j’ai touché dans ce que je fais… D’ailleurs, quand j’arrive au Malawi, je suis aussi à l’aise qu’à New York” raconte Hervé Tullet. Les ventes suivent, les livres et produits dérivés (jeux, cahiers, éditions cartonnées, applications etc) aussi, et Hervé Tullet compte une quarantaine de titres en vente aujourd’hui aux Etats-Unis.
Son dernier livre, “Let’s Play”, est sorti fin mars, et exploite les mêmes thèmes et couleurs que “Press Here”, avec des textes qui requièrent la participation des enfants.
Il entame ce printemps une tournée pour le présenter. Pas de doute que ce sera un nouveau succès.