“Avec le code, on a le pouvoir de changer les choses. Quand on code, on a le moyen de travailler dans tous les domaines!” Au milieu des écrans de contrôles de Bloomberg à New York où elle travaille, Aurélie Jean partage son enthousiasme. A 34 ans, la jeune femme milite pour sa discipline et pour les femmes.
Dans son équipe chez Bloomberg Equities, la moitié de l’équipe est féminine. Une rareté dans ce milieu. “Les chiffres sont catastrophiques. Dans le monde de la tech on parle souvent de 28 à 30 % de femmes mais quand on enlève celles qui travaillent dans le service juridique, dans le marketing ou la communication, on descend à 13%. Et si on s’intéresse aux postes à responsabilités, on passe sous les 5%“.
C’est ce constat sans appel qui a poussé Aurélie Jean à créer en août 2016 l’association In Silico Veritas. “L’objectif est de rendre les femmes visibles, explique-t-elle. Je me suis rendue compte de l’importance des modèles et de la capacité à se projeter, pour que les filles ne se mettent pas elles-mêmes de limites“.
Avec In Silico Veritas, Aurélie Jean participe bénévolement à des conférences pour parler de son expérience et du code. “C’est un mot qui fait peur, un peu obscur. Mais c’est simple: le code, c’est écrire dans un langage informatique un texte qui va être interprété par l’ordinateur pour effectuer une tache“. Sur scène, la timide scientifique se métamorphose et encense son auditoire. “Le fait de dire: voilà je m’appelle Aurélie Jean, je suis codeuse, je suis senior software developer à Bloomberg, je code depuis 12 ans, ça marque les esprits“.
La jeune ambassadrice de la tech a tout ce qu’il faut pour être “role model”. “Mon grand-père, féministe, m’a toujours dit de foncer et de ne pas penser en fonction de mon sexe ou de ma condition sociale. C’est ce message que je veux transmettre à mon tour“.
Ses interventions ont surtout lieu en France, où, estime la jeune femme, la situation est encore plus compliquée. “Aux Etats-Unis, il y a moins de préjugés même s’il reste beaucoup de choses à régler. Ici on pense que la diversité est un plus pour les affaires. En France, le monde de l’entreprise n’en est pas encore convaincu“.
Aux femmes, son message est clair: le code n’est pas uniquement pour les geeks. Féminine, bien dans sa peau et dans son époque, Aurélie Jean en est la preuve. “Les femmes doivent réaliser qu’avec le code, on peut travailler chez soi, on gère son temps, on peut très bien gagner sa vie et surtout notre travail a un impact sur la société en développant des outils du futur“.
A seulement 34 ans, la codeuse a un parcours impressionnant: math-physiques à la fac puis mécanique à Normal Sup Cachan et une thèse aux Mines en sciences des matériaux et mécanique numérique. En 2009, elle rejoint le prestigieux MIT (Massachusetts Institute of Technology) à Boston où elle travaille dans le biomédical avant de rejoindre Bloomberg à New York. Elle y développe des outils mathématiques et numériques pour rendre la finance plus transparente.
Si elle admet que son CV pourrait faire peur à certaines, Aurélie Jean se veut rassurante. Pour coder, il faut certes se débrouiller en maths mais il existe plusieurs niveaux. “On apprend le français sans pour autant espérer devenir un grand écrivain. C’est pareil pour le code“.