Pour le grand public, Auguste Rodin est avant tout un sculpteur de génie. Mais très peu de gens connaissent l’étendue de son œuvre en tant que dessinateur. Au total, Rodin a réalisé plus de 10 000 dessins. En 1910, se confiant au journaliste René Benjamin, il affirmera même: « C’est bien simple : mes dessins sont la clef de mon œuvre ».
A l’occasion du 50ème anniversaire du jumelage Los Angeles-Bordeaux, les deux villes ont décidé de rendre hommage à cet aspect méconnu du travail de Rodin : quelques 127 lithographies ont ainsi été prêtées par le musée Goupil de Bordeaux au Los Angeles Municipal Art Gallery (LAMGAG) d’Hollywood où elles seront présentées du 17 juillet au 17 août prochains, lors d’une exposition appelée “Figures d’ombres, les dessins d’Auguste Rodin“.
« Les œuvres ont été transportées par avion et reviendront directement à Bordeaux après leur présentation au LAMAG » explique Katia Kukawka, conservatrice au Musée d’Aquitaine dont fait partie le musée Goupil. «Le fonds Goupil est issu d’une dynastie d’éditeurs d’art internationaux basés à Paris, actifs de 1827 à 1920 » précise-t-elle.
Les planches présentées à Hollywood sont des « bons à tirer annotés et signés par Rodin pour la réalisation d’un album intitulé “Les dessins de Rodin”, édité en 1897, dont la réalisation fut entièrement financée par un ami et mécène de Rodin, l’industriel Maurice Fenaille. Edité à 125 exemplaires par la maison Goupil, l’album rassemble 129 planches en fac-similé exécutées et imprimées en couleurs. Les 142 dessins reproduits datent pour la plupart des années 1880, période pendant laquelle Rodin travaille à La Porte de l’Enfer », l’une de ses plus célèbres sculptures inspirée de la « Divine Comédie » de Dante.
Plongé dans ce livre, « Rodin couvre des centaines de feuillets et carnets, jusqu’à produire près de 500 dessins inspirés de l’œuvre de Dante » raconte Katia Kukawka. « Rodin lui-même fera la sélection des dessins à reproduire pour cet album, en choisissant ainsi délibérément de s’attacher particulièrement à l’Enfer. C’est également lui qui détermine l’ordre et qui donne les titres et légendes ».
La période des « dessins noirs »
A la base, Rodin n’a pas vraiment cherché à s’appuyer sur ces dessins comme études pour l’aider à réaliser « La Porte de l’Enfer ». Comme il l’explique dans une lettre au marchand et critique d’art belge Léon Gauchez, il s’agissait plutôt pour lui de parvenir à « travailler dans l’esprit de ce formidable poète » qu’est Dante. Recouverts de traits et de lavis d’encre noire ou sombre, les dessins de cette période sont appelés « noirs », en raison de la couleur choisie et du sombre univers dépeint par l’artiste. L’exposition montre que Rodin s’est aussi inspiré d’autres œuvres littéraires qui lui sont chères comme « les métamorphoses » d’Ovide, avec un dessin représentant notamment un « centaure au galop enlevant une femme».
« La méthode utilisée est celle de la photogravure » précise Katia Kukawka, technique alors pionnière développée par la maison Goupil et qui reproduit le plus fidèlement possible l’original.Pour vous initier vous aussi à l’art de la gravure, sachez que le LAMAG organise des ateliers gratuits de midi à 15h : le premier, ouvert à toute la famille, petits et grands, aura lieu le 26 juillet. Quant au second, réservé aux adultes, il sera organisé le 9 août, avec la participation de l’artiste californienne Aviva Weiner.